L’issue du siège de la ville indiquera quelle forme prendra l’EI dans le Sud-Est asiatique et au-delà

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:02:36

Le conflit à Marawi a débuté le 23 mai. Deux mois ont passé et, aujourd’hui encore il est difficile de comprendre comment cela va se terminer. Tout ne s’est pas produit à l’improviste : les signes avant-coureurs étaient présents depuis longtemps. D’un côté le gouvernement a malheureusement sous-estimé la situation tout en affirmant que tout était sous contrôle.


Ces dernières années, aux Philippines, l’influence des mouvements internationaux a augmenté, à commencer par la Jamaa Islamiyya indonésienne qui a la présence la plus voyante. Les projets financés par l’Arabie saoudite ont augmenté dans l’île méridionale de Mindanao, dont Marawi est la capitale, et plus récemment ceux soutenus par les chiites d’Iran. L’ État islamique est arrivé officiellement en 2014 (avec le serment de fidélité de groupes locaux au “calife”, NdR). Ce qui se produit aujourd’hui sur une grande échelle au Moyen-Orient se prépare également dans cette région du monde.


L’ État islamique est arrivé officiellement en 2014


L’attaque du mois de mai à Marawi ne fut donc pas une surprise. Lorsque les militaires sont intervenus, les hommes armés liés à l’EI ont tout d’abord détruit et incendié plusieurs bâtiments : un collège, un hôpital... Les miliciens avaient déjà pris position en ville et il semblerait qu’ils aient construit des tunnels souterrains et des dépôts d’armes dans certaines mosquées et sous certains bâtiments. 



La cathédrale de Marawi a été détruite et les images sacrées à l’intérieur ont été balafrées, prouvant que l’État islamique agit ici dans le même esprit qui l’a fait connaître dans d’autres régions du monde : son idéologie insuffle la haine et sépare les chrétiens et les musulmans, tout en ayant également comme objectif les musulmans modérés de cette région. Et les musulmans de Marawi redécouvriront eux aussi au terme de cette affreuse histoire qu’à côté d’un Islam de dialogue, il existe un courant dangereux de l’Islam. 



La ville de Marawi reste aujourd’hui assiégée, et d’après des informations des Nations Unies, dans la région il y a plus de 200 mille déplacés, dont 80 % sont musulmans et 20 % chrétiens. Mais il est difficile de comprendre quels sont les nombres réels, parce que les habitants de cette province préfèrent être accueillis chez des parents ou dans la famille élargie que de rester dans des camps de réfugiés.

Dans la région il y a plus de 200 mille déplacés

Plusieurs dizaines de miliciens de l’État islamique sont restés dans la ville presque détruite, ils utilisent les civils pris au piège comme boucliers humains. L’armée philippine a parlé d’environ 500 jihadistes tués, de cent soldats morts et d’une cinquantaine de victimes parmi les civils. Au premier rang combattent les hommes armés du groupe Maute, un clan de la région qui a soutenu et facilité l’enracinement de l’État islamique dans la région, en jurant fidélité à l’EI en 2014, avec le mouvement philippin plus connu Abu Sayyaf.



Les maranao - les tribus qui peuplent la région de Mindanao - sont un peuple entreprenant, ce sont les commerçants des Philippines, en blaguant on les compare aux Chinois, parce qu’on les retrouve dans tous les marchés de l’archipel avec leurs marchandises. Ces dernières années, ils ont été majoritairement influencés par différentes formes de fondamentalisme islamique et par l’importation du wahhabisme saoudien. Marawi est la ville islamique par excellence aux Philippines, 98 % de la population est musulmane, et les groupes armés qui agissent aujourd’hui dans la région voudraient imposer ici un “califat” pour ensuite l’étendre ailleurs. L’armée a révélé avoir trouvé parmi les combattants morts des malaisiens et des indonésiens (et aussi des saoudiens, NdR), mais pendant des mois le gouvernement a sous-estimé ce qui se produisait ici


Le président Rodrigo Dutertre a prolongé la loi martiale. Les évêques locaux s’y étaient opposés. Les gouvernement doit donner un signal d’espérance. Dans le cas contraire, la population comprendrait que la situation reste difficile et cela aurait une influence négative également sur les affaires locales florissantes



Le gouvernement doit en quelque sorte vaincre cette bataille, autrement les conséquences auront un impact international : le message passerait que l’État islamique ne peut être vaincu. Reconquérir la ville de Marawi serait central pour l’image du gouvernement, même si nous devons être conscients du fait que les racines de l’EI sont là et qu’elles continueront à pousser même après le siège. 

 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité les auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Fondation Internationale Oasis
Texte traduit de l’italien