Documents - La traduction du dernier discours prononcé par le secrétaire général du Hezbollah, avant d’être tué le 27 septembre 2024
Dernière mise à jour: 21/02/2025 11:20:59
Cette traduction a été réalisée par Amin Elias dans le cadre du projet NIJAR, financé par le Ministère de l’Université et de la Recherche, ItaliaDomani et l’Université Catholique du Sacré-Cœur, dans le cadre du PNRR (Plan National de Relance et de Résilience) avec le soutien de NextGenerationEU.
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Le 19 septembre 2024
(…) Que la paix, la miséricorde et les bénédictions de Dieu soient avec vous tous.
Ce qui m’a poussé à parler aujourd’hui, c’est l’accélération des événements qui a eu lieu au cours de ces deux derniers jours, en particulier mardi et mercredi. J’étais en train de me préparer pour commémorer l’anniversaire du « Tûfân al-Aqsâ » (Déluge d’al-Aqsa) pour vous présenter une évaluation complète et approfondie des événements d’une année entière de confrontation sanglante entre l’axe de la résistance et l’entité sioniste occupante. Mais de toute façon, ce qui s’est passé ces deux jours mérite certainement d’être l’objet d’une parole, d’une évaluation et d’une prise de position.
[Preambule : félicitations pour le mawlid, condoléances pour la mort de l’Ayatollah Sheikh Hasan Trâd]
Avant de commencer, je suis normalement devant l’obligation ces jours-ci de féliciter tous les musulmans à l’occasion de la naissance du plus grand Messager de Dieu, Abû al-Qâsim Muhammad ibn ‘Abd Allâh, que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui, que Dieu a envoyé comme miséricorde pour les mondes, le sceau des prophètes et le maître des envoyés, l’homme qui est devenu une grande et éternelle umma [nation] jusqu’au Jour de la résurrection. Je tiens également à féliciter les musulmans et tout le monde pour la naissance de son petit-fils, l’Imam Ja‘far al-Sâdiq, que la paix soit sur lui, le plus grand maître des juristes, des savants et des imams, qui a été destiné à diffuser, parmi les savoirs de l’envoyé de Dieu, ce qui a renouvelé la vie de l’islam pour des centaines d’années. Je tiens également à souligner qu’aujourd’hui nous aurions dû commémorer les 40 jours du regretté Ayatollah Sheikh Hasan Trâd, […], mais en raison des circonstances récentes, elle a été reportée. Nous avons perdu en la personne de l’éminent Ayatollah Sheikh Hasan Trâd un mujtahid [interprète indépendant] et juriste, un savant éminent, un grand professeur, un sommet de la piété, de la moralité, de l’honnêteté, de la sincérité, de la présence morale, spirituelle et paternelle. Il était un père pour tous et un fervent soutien à la résistance, en particulier aux opérations de martyre. Que la miséricorde et la satisfaction de Dieu soient sur lui.
[…]
[Structure du discours]
Dans mon discours sur les événements accélérés, j’ai préparé trois chapitres : le premier chapitre concerne l’aspect moral et humain de ce que nous avons vécu ces deux derniers jours ; le deuxième chapitre aborde ce qui s’est passé et la façon d’y faire face ; le troisième chapitre concerne la position générale, la position politique et le djihad général que nous devons adopter face à ces événements.
[L’attaque des bipeurs déclenche la solidarité nationale libanaise]
Dans le premier chapitre : je tiens à adresser mes condoléances les plus sincères aux familles des martyrs de ces jours, que ce soient les martyrs des attentats à l’intérieur ou les martyrs du front sud ; je leur adresse mes condoléances pour la perte de leurs proches. [Je voudrais] féliciter [les martyrs] pour avoir reçu la grande et illustre médaille divine du martyre. Je m’adresse à tous les blessés en leur souhaitant un prompt rétablissement, de la patience et de la résilience, […]. Je reviendrai sur la situation des blessés, des familles des martyrs et du grand public de la résistance dans le contexte de ce discours.
J’adresse mon remerciement au gouvernement libanais et au ministère de la Santé, aux hôpitaux, aux centres de santé, aux institutions de défense civile sous différentes appellations, aux services de secours, et aux organismes de santé, aux médecins, aux infirmiers qui ont fait preuve d’un excellent dévouement. Il y a des médecins qui travaillent jour et nuit. Bien sûr, nous avons un problème au Liban car le nombre de blessés aux yeux est important et les hôpitaux ne sont pas équipés pour ce [type] de blessures, c’est pourquoi il y a parfois des retards, mais cela est dû à la pression et non à un manquement. Au contraire, ce que nous avons vu ces deux jours et ces jours-ci est une réponse positive, sérieuse et importante […] pour laquelle ils [= les opérateurs sanitaires] méritent d’être remerciés. Merci à tous ceux qui ont donné leur sang dans différentes régions libanaises. On a même dit que la journée de mardi était la plus grande opération de don de sang de l’histoire du Liban. Merci à tous ceux qui se sont proposés pour transporter des blessés, comme vous l’avez vu […], sur leur dos, dans leur voiture ou sur leur moto. Merci à tous ceux qui ont déclaré leur volonté de donner des organes de leur corps pour ces blessés. Merci à tous les médecins qui ont ouvert leurs cliniques gratuitement jour et nuit. Merci à tous les gens. Merci à nos gens du Liban. Merci à notre cher peuple libanais dans les différentes régions, qui a manifesté sa solidarité et son empathie et [qui a] exprimé des sentiments sincères en dehors des considérations sectaires, politiques, des différends et des antagonismes existants. Merci à tous les leaders solidaires, les présidents des instances religieuses et politiques, les ministres, les députés, les partis, les courants politiques, les élites et les institutions médiatiques, sociales, culturelles, syndicales et autres.
Parmi les bénédictions de ce sang pur et de cette injustice que nous avons vécues ces jours-ci, nous avons vu au Liban à nouveau une grande et noble épopée humaine et morale à l’échelle nationale et humaine que nous n’avions pas vue depuis longtemps. Ce sont les grâces de Dieu. […] Nous devons également remercier les pays qui se sont empressés d’apporter leur soutien et ont envoyé des équipes médicales ainsi que des fournitures et des équipements médicaux : le gouvernement irakien, la République islamique d’Iran qui a également envoyé un avion pour transporter des dizaines de blessés. D’autres avions arriveront. Aussi, [nous remercions] le gouvernement syrien qui a ouvert ses hôpitaux pour nous, de façon qu’un certain nombre de blessés ont été transférés dans des hôpitaux de Damas. Merci à tous les pays qui ont contacté le gouvernement libanais et se sont déclarés prêts à apporter leur soutien, et merci à tous ceux qui ont condamné ce terrible crime israélien, notamment ceux qui appartiennent à l’axe de la résistance en Palestine, au Yémen, en Irak, en Syrie et ailleurs. Tout d’abord, merci et encore merci à Dieu […] pour ses épreuves, son soutien, son aide pour repousser les calamités.
[Le but d’Israël et ce qu’il a atteint]
Dans le deuxième chapitre : ce qui s’est passé le mardi et le mercredi. Le mardi : je veux décrire brièvement comme une introduction [ce qui s’est passé]. Des milliers d’appareils bipeurs (Pager) ont été ciblés par l’ennemi israélien et ont explosé simultanément. L’ennemi a outrepassé toutes les limites, les lois et les lignes rouges dans cette opération, ne tenant aucun compte de l’éthique, de l’humanité ou de la légalité. Les explosions ont eu lieu […] dans des hôpitaux ; car certains de ceux qui transportaient des bipeurs travaillaient dans les hôpitaux, dans des pharmacies, des marchés, des magasins, des maisons, des voitures, sur les routes publiques où se trouvent de nombreux civils, femmes et enfants. Il [Israël] voulait viser les hommes et les combattants du Hezbollah, mais il a visé tout leur entourage. Il a utilisé un outil civil [le bipeur] largement employé par de nombreux segments de la société dans le monde et pas seulement chez nous : les hôpitaux, les médecins, les entreprises commerciales et les institutions de transport. Et il a répété cela le mercredi en faisant exploser également des appareils sans fil [talkie-walkie], sans se soucier des endroits où les porteurs de ces appareils se trouvaient. Cet ennemi s’en fiche de tout, même si celui qui porte cet appareil se trouve à l’hôpital, à la pharmacie, dans la rue ou à la maison ; même si cet appareil se trouve dans les mains de son porteur ou sur les tables.
En raison de cette agression, des dizaines de martyrs ont été élevé [au ciel], parmi eux des enfants, des femmes et des civils. Des milliers de gens ont été blessés, avec des blessures diverses. Les chiffres réels vont se révéler avec le temps, car beaucoup de gens qui ont été blessés sont entrés à l’hôpital et en sont sortis, ce qui signifie que certaines personnes n’ont pas été comptés et d’autres ont été comptés plusieurs fois. De toute façon, et avec le temps, le nombre se précisera ; en tout cas, il est très élevé. L’ennemi suppose – parlons maintenant des intentions de l’ennemi, ce qui s’est passé est une autre chose. Il visait un lot de bipeurs dont nous parlerons en détail après… L’ennemi supposait ou savait que leur nombre dépassait les quatre mille appareils, et il supposait qu’ils étaient répartis entre les jeunes du Hezbollah, des frères et des sœurs qui travaillent dans des unités et des institutions différentes. Quand il a fait exploser ces bipeurs, il entendait tuer quatre mille personnes en une minute sans prendre en compte le nombre de personnes qui pourraient être tuées [en tant que victimes collatérales] dans l’entourage [de ceux qui portaient les appareils] qu’ils soient à l’hôpital, à la pharmacie, sur le marché, à la maison, en voiture ou dans les rues. C’était l’intention de l’ennemi et le niveau de barbarie auquel il s’est livré. Ensuite, le deuxième jour, son intention était également de tuer des milliers de personnes portant un appareil sans fil. […]. Si nous voulons résumer le nombre [de gens ciblés], nous pouvons dire que […] l’ennemi israélien voulait tuer au moins cinq mille personnes en deux minutes sans se soucier de rien et d’aucune limite. Et il n’avait aucun problème concernant le « où » et le « comment ». Il [Israël] estimait que même s’ils étaient blessés, la confusion régnerait, et beaucoup parmi eux mourraient faute de capacité des hôpitaux à les accueillir. Comment pouvons-nous qualifier cet acte criminel ? C’est un acte terroriste majeur, c’est un génocide, c’est un massacre. Nous adopterons le terme « massacre du mardi et massacre du mercredi », ou « les deux massacres du mardi et du mercredi », pour les ajouter aux grands massacres de l’ennemi dans l’ensemble du conflit en cours depuis la fondation, depuis l’émergence de cette tumeur cancéreuse dans notre région, de ce mal absolu dans notre région. C’est un génocide collectif, une grande agression contre le Liban, son peuple, sa résistance, sa souveraineté et sa sécurité ; [c’est un] crime de guerre ou une déclaration de guerre, peu importe comment vous l’appelez […].
Bien sûr, telle était l’intention de l’ennemi. Dieu, dans Sa large miséricorde, Sa bonté et Sa générosité, nous a épargné beaucoup et a éloigné beaucoup de calamités. Pourquoi ? Parce que, d’une part, beaucoup de ces blessures étaient légères alors que les gens visés auraient pu être comptés parmi les martyrs. Certains de ces bipeurs étaient hors service, certains étaient loin des frères, certains n’étaient pas distribués du tout, cela n’a rien à voir avec l’intention de l’ennemi. […] Avec les soins de Dieu, Sa miséricorde, Sa bonté, ainsi que les efforts humains sincères et dévoués, l’empathie que nous avons vue chez les gens qui n’ont laissé aucun blessé par terre, aucun blessé sur les routes, les secours, la défense civile, les associations de la Croix-Rouge […] ; le Croissant rouge ; les organismes sanitaires ; les scouts ; les gens ; la présence des gens ; la coopération de tous ; l’armée ; les agences de sécurité ; les routes ; les hôpitaux ; les médecins ; de toute façon, tout cela a empêché l’ennemi d’atteindre son objectif. La réalisation de cet objectif a été largement compromise, quand on considère que l’un des objectifs de ce qui s’est passé mardi et mercredi était la mort de 5000 personnes. Grâce à Dieu et à sa bonté, aux efforts humains sincères, à la grande détermination, au zèle et à la grande présence des factions de notre peuple, à l’opinion populaire [ou publique], une grande partie de cet objectif a été ratée.
Quant à ce qui s’est passé, comment cela s’est-il passé et que s’est-il passé ? Nous avons formé plusieurs commissions d’enquête internes techniques et sécuritaires, et nous sommes en train d’étudier tous les scénarios, possibilités et hypothèses concernant les explosions. Nous sommes parvenus à une conclusion presque définitive. Mais il nous faut encore du temps. Néanmoins, l’ensemble de ce dossier fait l’objet d’une enquête et d’un suivi attentif, en partant de l’entreprise qui nous a vendu [les appareils], à la fabrication, au transport, jusqu’à leur arrivée au Liban et la distribution ; du producteur au consommateur jusqu’au moment de l’explosion. Nous allons atteindre ce que nous voulons dans un court laps de temps, si Dieu le veut, pour obtenir des résultats clairs et sûrs […] Je n’entrerai pas maintenant, et je ne me précipiterai pas pour entrer maintenant dans ce côté technique. Parce qu’il y a diverses analyses, des possibilités et des théories. Attendons encore un peu pour arriver à ce qui est sûr et certain, mais il ne fait aucun doute que nous sommes des gens réalistes et que nous ne sommes pas arrogants. Il ne fait aucun doute que nous avons subi un coup sécuritaire et humanitaire majeur et sans précédent dans l’histoire de la résistance au Liban et l’histoire du Liban. Ce niveau d’agression peut être sans précédent dans l’histoire du conflit avec l’ennemi israélien au niveau de l’ensemble de la région. Ce type de meurtre, de ciblage et de crime peut-être sans précédent dans le monde. Ce crime qui consiste à cibler des gens qui utilisent des bipeurs et des appareils sans fil et de faire exploser ces appareils sans considérer que l’entourage des victimes serait aussi ciblé . Oui, nous avons reçu un coup dur et violent, mais c’est l’état de guerre et de conflit. Et nous savons que notre ennemi a la supériorité, et nous n’avons jamais dit le contraire. Une supériorité au niveau technologique. Car, il ne s’agit pas seulement de l’Israélien, mais il y a l’Américain, l’Occident et l’OTAN et toutes les puissances qui sont derrière cette supériorité et qui possèdent les technologies et les capacités les plus avancées dans le monde. Tous sont situés du côté opposé. En entrant dans ce conflit, nous parions sur l’effort, le djihad, les sacrifices, le temps, l’usure et l’accumulation de points pour remporter la victoire, et nous avons été victorieux, jusqu’à présent.
Mais la nature de la guerre à travers l’histoire, quelles que soient les parties impliquées dans cette guerre, est à phases alternes[1], un jour pour nous contre notre ennemi et un jour pour notre ennemi contre nous. Un jour, nous sommes perdants ; et un jour nous sommes victorieux. Le mardi et le mercredi ont été pour nous des journées lourdes et sanglantes, et ce furent aussi une grande épreuve. Nous avons réussi – avec l’aide de Dieu Tout-Puissant, j’en parlerai aussi tout à l’heure […] – à dépasser cette preuve avec fierté et avec les têtes hautes. L’important est que la frappe ne vous abat pas, aussi grande et forte soit-elle, et je vous le dis, avec toute assurance et confiance en Dieu Tout-Puissant, que cette frappe ne nous a pas abattu et ne vas pas nous abattre, si Dieu le veut. À travers cette expérience et ses leçons, nous allons devenir plus forts, plus solides, plus déterminés, plus engagés, à faire face à toutes les possibilités et à tous les risques.
[Non à la séparation des fronts]
Pourquoi l’ennemi a-t-il commis ce crime et ce massacre ? Quels sont le contexte et les objectifs ? J’ai écrit [ce discours] dans le but de profiter du temps. Il est important pour nous, afin d’affronter, de répliquer et de désactiver les objectifs, de comprendre le but de l’ennemi derrière ce crime majeur. Il est judicieux de se rappeler que la première commémoration du Déluge d’al-Aqsa, le 7 octobre 2023 sera dans quelques semaines. Une année complète s’est écoulée depuis ce déluge béni. Le 8 octobre, le Front de soutien libanais a été ouvert et ce front a continué jusqu’à présent. Il a été efficace et influent, et il a exercé une grande pression sur l’ennemi. La preuve est ce que fait l’ennemi. Je me fiche de ce qui se dit ici et là. Vous me connaissez, il y a des discussions sur ce sujet, car il y a des gens qui ont affirmé dès le premier jour que nous n’avons aucun avantage, aucun bénéfice [de cette guerre de soutien pour Gaza]. Nous avons qualifié ces discours de tentatives de semer le désespoir.
Ce qui est important, c’est ce que l’ennemi dit et ce qu’il admet. Lorsque nous écoutons les actuels et anciens dirigeants de l’ennemi, les ministres de la Défense, les généraux, les chefs d’état-major et leurs adjoints, les commandants de divisions, les commandants de zones militaires et les chefs des services de sécurité dans l’entité ennemie, comment évaluent-ils le front nord ? C’est ce qui est important. Peu importe ce que dit celui qui n’a aucune donnée, aucune information, aucun suivi, et ne sait pas ce qui se passe sur la première ligne [du front], et ne sait pas ce qui se passe au sein de l’entité [Israélienne]. […] Par exemple, lorsqu’un ancien chef d’état-major adjoint déclare : « ce qui s’est passé dans le nord au cours des derniers mois est la première défaite historique d’Israël dans le nord ». D’autres disent qu’il ne fait aucun doute que le Hezbollah réalise des progrès stratégiques dans le nord. Ils parlent d’une défaite historique. Ils parlent d’une ceinture de sécurité à l’intérieur du nord de l’entité [israélienne] et à l’intérieur de la Palestine occupée, et aux frontières nord, [et ceci] pour la première fois en 75 ans. Ils parlent de l’ampleur des déplacements, et ils parlent de l’ampleur des pertes économiques dans l’industrie, l’agriculture et le tourisme dans le Nord. Ils parlent de la bataille d’usure. Ils parlent de l’épuisement de l’armée de l’ennemie sur le front nord. Pour cette raison, Israël n’a retiré aucune de ses forces militaires déployées au nord vers la Cisjordanie ; au contraire, il a fait venir des troupes de Gaza en Cisjordanie, car la menace venant du nord est réelle ; il existe un véritable front dans le nord. Israël a un problème avec ces forces militaires.
Il y a deux jours, l’un des médias israéliens a déclaré qu’en raison du problème du nombre de forces israéliennes, les Israéliens vont convertir une grande partie de la marine en infanterie afin de renforcer les forces terrestres dont ils ont besoin. [Les Israéliens disent] : nous avons perdu le nord. Les cris des habitants du nord pendant 11 mois sont à l’origine de cette grande pression qui a forcé Netanyahu et Gallant à dire qu’ils veulent venir au nord afin de trouver une solution. Le front libanais est l’un des éléments de pression les plus importants sur l’entité ennemie dans cette bataille, l’un des fronts d’usure les plus importants ; avec les autres fronts, celui du Yémen, que ce soit en mer Rouge, en mer d’Oman, ou l’océan Indien, de plus de la solidarité populaire yéménite, et les missiles dont le dernier en date est le missile Palestine 2 ; aussi le front irakien. Ce front libanais est sans aucun doute un front de pression fort, et c’est aussi l’une des cartes de négociation les plus importantes. Ce front libanais constitue l’une des cartes de négociations les plus importants dont dispose aujourd’hui la résistance palestinienne afin qu’elle atteigne ses objectifs de mettre fin à l’agression [israélienne].
L’ennemi, dès le premier jour, a également cherché à éteindre le front du Liban, à éteindre le front de soutien libanais, à l’arrêter. Et pour cette raison, il a multiplié les tentatives de pression et d’intimidation. […]
Cet « Israël » qui nous menace de guerre, ce qu’il a souffert pendant les derniers 11 mois… [Dans le passé], 1% de ce qui s’est passé [depuis 11 mois et après les 7 et 8 octobre] aurait été suffisant pour qu’il nous déclare la guerre. [Mais Israël est incapable de faire cette guerre et] c’est le résultat des facteurs qui sont apparus sur les fronts [et le fruit] de l’équilibre de terreur et de dissuasion existant. […] Rappelez-vous, pendant 11 mois, ils ont fixé des dates pour cette guerre totale. […] Depuis 11 mois, nous vivons dans cette ambiance.
Tout cela vise à faire pression sur l’État libanais, sur le peuple libanais, sur la résistance au Liban, sur toutes les factions de la résistance au Liban, en particulier sur le Hezbollah, afin d’arrêter ce front. Meurtres, assassinats de dirigeants, assassinats d’individus et de mujâhidîn, destruction de milliers de maisons, terroriser les gens, les avions de chasse israéliens qui n’aiment franchir le mur du son qu’en pleine nuit, notamment dans le sud : tout cela fait partie de la bataille. Cette frappe [l’explosion des bipeurs] s’est produite dans ce contexte. Ce qui veut dire que toutes les tentatives précédentes ont échoué et n’ont abouti à aucun résultat. La résistance au Liban est restée inflexible sur sa position. C’est pourquoi il [Israël] a eu recours à cette méthode, qui représente le plus haut niveau de criminalité possible. [Israël] […] a tué des civils, […]. Il a ciblé des installations civiles.
C’est l’objectif de cette frappe et de ce crime majeur qu’il (Israël) a commis. Mardi après-midi, quelques heures après l’opération, des messages sont arrivés par les canaux officiels et non officiels disant clairement : « Notre objectif derrière cette frappe est que vous cessiez de soutenir Gaza, et d’arrêter les combats sur le front libanais. Et si vous n’arrêtez pas, nous en avons d’autres de frappes ». Ce message nous est parvenu mardi après-midi. Le mercredi nous avons reçu la deuxième frappe qu’[Israël] nous a promis mardi.
Donc, l’objectif est clair […]. Maintenant il est possible que quelqu’un pousse l’objectif plus loin et dise que cette frappe était préparatoire et qu’elle aurait été suivie quelques heures plus tard par une opération militaire majeure. C’est discutable. Mais au minimum – et c’est certain et c’est ce qui nous a été annoncé et qui a été relayé aux autorités – le but de la frappe était celui-ci et il y a eu implicitement une reconnaissance israélienne de cette frappe. [Ce qui est demandé du Liban et du Hezbollah c’est] la subjugation de la résistance, la capitulation de la résistance, la cessation de la résistance, la sortie de la résistance de cette bataille. Bien sûr, certains pays occidentaux sont prêts à nous ouvrir une porte de sortie, afin que nous fassions un certain compromis au Conseil de Sécurité et que nous nous engagions à appliquer [la Résolution onusienne] 1701 et arrêter la guerre. Ainsi Gaza, les gens de Gaza, la résistance de Gaza, les gens de Cisjordanie et de Palestine seront abandonnés et livrés à leur sort. Et donc, tous les sacrifices, martyres, efforts et affrontements durs et sanglants que nous avons menés au cours d’une année, seront vains. Nous ne pouvons pas faire ça.
Donc, le but de cette frappe et le contexte dans lequel elle s’est déroulée ainsi que son objectif de mardi et mercredi est de séparer les deux fronts et de mettre fin au front libanais.
La réponse est au nom des martyrs, au nom des familles des martyrs, au nom des blessés dans les hôpitaux, au nom de ceux qui ont perdu les yeux et les mains, au nom de tous les patients, inébranlables et fidèles, au nom de tous ceux qui ont assumé la responsabilité d’accomplir ce devoir moral, humanitaire et religieux en soutenant Gaza, qui est soumise au génocide collectif, aux massacres, à la faim, à la soif, à la maladie et au siège : nous disons à Netanyahu et à Gallant – qui était au bout d’être expulsé, mais il est resté – nous disons au gouvernement ennemi, à l’armée ennemie, à la société ennemie : « Le front libanais ne s’arrêtera pas tant que l’agression contre Gaza ne cessera ». Nous le disons depuis 11 mois. Nous répétons ce discours maintenant, notamment après ces deux grandes frappes, après tous ces martyrs, toutes ces blessures et toutes ces douleurs. Je le dis clairement, quels que soient les sacrifices, quelles que soient les conséquences, quelles que soient les possibilités, quel que soit l’horizon vers lequel se dirige la région. La résistance au Liban ne cessera de soutenir et d’aider le peuple de Gaza et de Cisjordanie ainsi que les opprimés de cette terre sainte. Cela est la première réponse afin de neutraliser les objectifs [d’Israël]. Tout ce qu’il a fait, c’est de tuer, blesser et pratiquer sa brutalité, mais a-t-il atteint son objectif !? Il [Israël] n’a pas atteint son objectif ! Comme il fait à Gaza : il tue et anéantit, mais depuis 11 mois jusqu’à maintenant, aucun des objectifs déclarés de la guerre n’a été atteint.
Certes, dans le contexte de cet objectif, il y a aussi un objectif implicite, qui sert l’objectif [principal] : il s’agissait de frapper le milieu [du Hezbollah]. Et il y a un troisième objectif : il s’agit de frapper la structure.
[Malgré la grande frappe, la structure et le milieu du Hezbollah n’ont pas bougé]
Concernant le deuxième objectif : [il s’agit de] frapper le milieu [du Hezbollah]. Les explosions, où se sont-elles produites ? La banlieue sud [al-dhâhiya al-janûbiyya], la Bekaa, le sud. Cela est normal. Car c’est dans ces régions où sont présents les hommes du Hezbollah et les institutions du Hezbollah. Certains de ces hommes et de ces institutions se trouvent également dans le nord et dans la région de Jbeil-Keserwan. Par ces explosions, il [Israël] veut frapper le milieu, l’épuiser, et l’assujettir, afin de la faire crier et dire […] : « ça suffit ». Certains, qui sont de l’extérieur de la communauté de la résistance, tentent de le dire : « ça suffit, nous avons fait de notre mieux ». Cet objectif est tombé le mardi et le mercredi ; quand on entend les blessés dans les hôpitaux, que ce soit ceux qui sont toujours dans les hôpitaux ou ceux qui en sont sortis […]. Le monde entier les a entendus et regardés. Le monde entier a vu leur moral élevé. Je les ai entendus à la télévision ; leur moral élevé et leur grande patience, leur volonté, leur détermination à retourner sur le terrain, à retourner au front, à retourner au combat, leur insistance pour achever cette mission, ce travail et cette responsabilité... tout ça est une réponse à l’ennemi pour faire avorter son objectif.
Celui qui entend les familles des martyrs et des blessés, leur fermeté, leurs paroles, leur détermination, leur patience, leur résolution, les messages qu’ils nous envoient et le discours qu’ils nous adressent dans les médias ; nous nous inclinons devant leur patience, leur détermination, leur courage, leur foi et leur confiance en Dieu. Aussi, le message hier, aujourd’hui et avant-hier lors des funérailles des martyrs, ces immenses funérailles dans tous les villages, dans toutes les villes, les slogans et les cris que les personnes répètent… c’est comme ça que la communauté [du Hezbollah] a répliqué à ces frappes. Le pays tout entier a répliqué à ces frappes par la solidarité et la sympathie […]. Si [Israël] s’attendait à ce que ce massacre et ce crime conduisent à davantage de divisions ou d’échecs aux niveaux national et libanais, c’est le contraire qui s’est produit.
Parmi les objectifs figure également l’attaque de la structure de la résistance. [Israël] suppose qu’une grande partie de ces « pagers » ou appareils sans fil sont portés par de hauts responsables et des membres clés de la résistance. Normalement ce n’est pas le cas. Ceux-ci portent des vieux « pagers ». Quant aux nouveau bipeurs, ils sont allés dans d’autres endroits. En tout cas, il [Israël] a voulu tuer le plus grand nombre possible de dirigeants, de responsables, [et ceci] pour […] ébranler la structure et le milieu du Hezbollah. Cela n’a pas été achevé même pour un petit instant.
Dès le premier instant, le commandement, le contrôle, la gestion et le suivi détaillé des événements était là. Même sur le front, nous sommes toujours présents et tout est préparé : les forces, les armes, car nous tenons toujours en compte la possibilité qu’une attaque israélienne commence. Être prudent, c’est notre devoir.
En tout cas, aujourd’hui, je vous confirme également que cette structure n’a pas bougé. Je vous dis plus que cela – et grâce à Dieu Tout-Puissant, et à l’accumulation d’efforts, et aux bénédictions du sang des martyrs, et aux sacrifices des mujâhidîn et des blessés, et des dirigeants, et des cadres à tous les niveaux de 1982 à nos jours – la structure possède une force, une durabilité, une capacité, un équipement, un nombre [de combattants] et une cohésion qui ne peut être ébranlée par ce grand crime. Je vous rassure, à partir de ma connaissance et ma responsabilité et non pas par arrogance, que ce qui s’est passé n’a touché du tout ni notre structure, ni notre volonté, ni notre cohésion, ni notre système de commande, ni notre présence sur les fronts. Au contraire, ceci va augmenter notre force et notre présence. Soyez-en sûrs et certains.
[…] Si le but est de séparer les deux fronts, ceci est impossible. Si le but est de secouer le milieu [du Hezbollah], ceci aussi est impossible. Jusqu’à maintenant, [Israël] fait preuve de sa stupidité. Il y a des gens chez eux qui disent posséder un haut degré d’intelligence au niveau technologique. Mais, ils ont révélé au monde qu’ils ont un haut degré de stupidité, parce qu’ils ne peuvent pas atteindre leurs objectifs. Jusqu’à présent, il [Israël] n’arrive pas à comprendre la profondeur morale, culturelle et religieuse de notre milieu, de cette résistance et de ces gens, que ce soit sur le niveau national ou le niveau de la structure de la résistance.
[Le défi majeur entre Israël et la résistance islamique]
La dernière section est une véritable continuation [de ce qui a précédé]. Ces dernières semaines, on a commencé à parler du Nord […]. On a commencé à parler du déplacement du poids [militaire] vers le front au nord [nord Israël/sud Liban], et du déplacement de la guerre vers le nord afin d’exercer davantage de pression. […] Certains parlent d’une escalade militaire. D’autres parlent d’une quasi-guerre. Il y a des gens qui parlent de jours de combat. D’autres, qui exagèrent, vous parlent d’une guerre totale.
Maintenant, je ne veux pas entrer dans une analyse de cette question. Il n’y a aucune raison pour faire ceci. Les jours venant vont nous révéler les vérités. Mais, tout ce qu’ils disent du nord a un but. Nous disons toujours : ce qui est important c’est suivre l’objectif [Israël], l’anéantir, vaincre l’ennemi et le contrecarrer en l’empêchant d’atteindre son objectif. La bataille de résistance est comme ça. Tout au long de l’histoire, cela a été la bataille de la résistance, la résistance des peuples.
Quel est l’objectif annoncé par le gouvernement ennemi sur la base duquel on a délégué Netanyahu et Gallant pour gérer le front nord ? Selon leurs termes, ils veulent ramener la population du nord vers le nord en toute sécurité. Ils ont ajouté cet objectif aux trois autres objectifs déclarés au début de la guerre contre Gaza. Il consiste alors à faire retourner la population au nord (d’Israël). Selon nos termes, cela signifie le retour des colons occupants du nord de la Palestine occupée dans la zone frontalière avec le sud du Liban. C’est l’objectif. Pourront-ils atteindre cet objectif ?
Toi, Netanyahu, hier tu étais un peu « ravi » […]. Eh bien ! Toi et Gallant et toute votre armée, votre gouvernement et votre entité [israélienne] : voici le défi. Nous avons accepté ce défi du 8 octobre, et aujourd’hui nous l’acceptons également. Je dis à Netanyahu, à Gallant, à l’armée ennemie et à l’entité ennemie : vous ne pourrez pas faire retourner les habitants du nord vers le nord. Vous ne pourrez pas renvoyer les colons occupants usurpateurs dans les colonies du nord. Faites ce que vous voulez. Vous ne le pourrez pas. C’est un défi majeur entre nous et vous. La seule façon, et nous le disons depuis le 8 octobre, […] est de mettre fin à l’agression et à la guerre contre la population de Gaza […] et de la Cisjordanie. C’est la seule solution. Autrement dit, ni l’escalade militaire, ni les meurtres, ni les assassinats, ni la guerre globale ne pourront jamais faire retourner [votre population] au nord, si Dieu le veut. Au contraire, ce que vous ferez augmentera davantage le déplacement de la population du nord, et supprimera la possibilité d’un retour en toute sécurité […]. Vous connaissez cela. Je ne veux pas ajouter davantage, car depuis 11 mois […] nous menons un certain niveau de combat qui reflète notre engagement.
[Le raisonnement des responsables israéliens est faux]
Il y a aussi un autre sujet que nous devons évoquer clairement. Il s’agit de cet idiot, le commandant de la région du nord, qui propose une ceinture de sécurité à l’intérieur du territoire libanais. Premièrement, nous espérons qu’ils entreront sur notre terre libanaise. Vous savez pourquoi ? Parce qu’ils sont à la frontière, leurs positions sont très fortifiées, et il est rare de voir leurs chars bouger. Aujourd’hui, dès qu’un char bouge, les frères [au Hezbollah] le frappent. Les procédures qu’ils ont établies pour se dissimuler, se cacher, et se déplacer continuellement rendent très difficile de les détecter. Nous sommes en train de chercher un soldat [israélien] ou un char jour et nuit. Nous avons besoin d’un effort quotidien d’information et de renseignement pour les localiser [soldats et armes israéliens] et les cibler.
Mais s’ils viennent chez nous, ils seront les bienvenus. Ce qu’il [Israël] considère comme une menace pour nous, nous le considérons plutôt comme une opportunité historique. Nous l’espérons même. Car cela aura certainement des effets majeurs sur cette bataille. Ça c’est dans le principe. Deuxièmement, que dit-il ? Il va créer une zone de sécurité. Par ceci, il croit pouvoir faire retourner les colons au nord pour qu’ils vivent en sécurité. Il a tort. Il compare ceci à l’expérience de 1978, quand Israël a établi une ceinture de sécurité dans le sud [du Liban], puis ils sont revenus pour étendre la ceinture de sécurité de 1982 qui a duré jusqu’à l’an 2000. Cette ceinture que nous avons appelé au Liban la « bande frontalière occupée ». Eh bien, il a tort, et son raisonnement est faux.
En 1978 – la résistance qui existait avant et après 1982, la résistance qui a surgi, c’est-à-dire celle qui existait et poursuivait sa lutte, ou celle qui est née comme le Hezbollah après 1982 […] ; toutes les factions de la résistance : le Hezbollah, le Mouvement Amal, les factions du Front de Résistance nationale avec ses différents partis, les factions de résistance islamique, comme, à l’époque, al-Jamâ‘a al-islâmiyya et le Mouvement islamique Tawhîd, [toutes ces formes de résistance] vont tous dans la lignée de la résistance islamique – [ celles-ci ont] décidé que les opérations et les combats se dérouleraient à l’intérieur du territoire libanais parce que l’objectif était de libérer la bande frontalière occupée. Par conséquent, de 1982 à 2000, nous n’avons pas mené d’opérations à l’intérieur de la Palestine occupée. Toutes les factions de la résistance libanaise se sont concentrées sur la zone frontalière dans le but d’épuiser l’armée ennemie et […] la forcer à quitter notre territoire. Oui, après 1992, une équation a été établie selon laquelle les colonies seront ciblées au cas où Israël cible les civils au sud [libanais]. Cette équation a été traduite plus tard par « l’accord de juillet » de l’année 1993 et dans « l’accord d’avril 1996 ».
À ce moment, nous n’avions pas d’objectifs militaires au nord de la Palestine occupée. Aujourd’hui, la question est différente. Si vous pensez à entrer [dans le sud Liban] et à y établir une ceinture de sécurité, pensez-vous que la résistance va se battre contre vous à l’intérieur de cette ceinture ? Vous avez tort. Si vous rentrez dans la ceinture de sécurité, nous continuerons à cibler des sites militaires, des casernes militaires, des centres militaires, ainsi que des colonies dans le nord de la Palestine occupée.
Cette ceinture de sécurité va se transformer en piège, en embuscade, en abîme et en enfer pour votre armée. Si vous aimez venir sur notre terre, vous allez trouver des centaines parmi ceux qui ont été blessés le mardi et le mercredi. Ceux-ci sont plus déterminés à mener la résistance contre vous, à vous battre et vous épuiser. Donc, vous avez tort. Vous mesurez mal les choses. Vous pouvez essayer.
[Conclusion]
Quant au dernier mot, il ne fait aucun doute que l’agression qui a eu lieu est une agression majeure et, comme je l’ai dit dans mon discours, elle est sans précédent. Notre réplique sera dure et juste. […]. Et parce que cette nouvelle bataille montre des aspects cachés, permettez-nous de changer notre approche. Je ne parlerai alors ni de temps, ni de forme, ni de lieu. Calmez-vous. La nouvelle va être ce que voyez et non ce que vous entendez. Le jugement viendra. Sa nature, son ampleur, où et comment […] ? Certainement nous allons garder ceci pour nous et dans le cercle le plus étroit à l’intérieur de notre organisme, parce que nous sommes ici dans le moment le plus sensible et le plus important de cette bataille.
À la fin du discours, je demande une fois de plus à Dieu Tout-Puissant la miséricorde et que les martyrs soient accueillis dans les rangs les plus élevés du Paradis. Je demande à Dieu Tout-Puissant la patience, le contentement pour les familles des martyrs, et que Dieu Tout-Puissant accepte leurs offrandes et leurs sacrifices. Je demande à Dieu Tout-Puissant que tous les blessés se rétablissent vite, qu’ils soient en bonne santé, et qu’ils retournent chez leurs familles, dans leurs champs et leurs arènes du djihad. Je demande à Dieu Tout-Puissant de consolider les cœurs de tous les Libanais, du peuple libanais, dans la solidarité et la sympathie ; et que nous soyons capables de maintenir cette positivité démontrée par la bénédiction du sang de ces martyrs ; [je demande aussi] que certains gens insignifiants – qu’il s’agisse de politiciens, de personnalités médiatiques ou de sites de réseaux sociaux – ne sabotent pas cette grande image qui est morale, merveilleuse, nationale et humanitaire. Parce que le Liban a besoin cruellement aujourd’hui de cette prise de position unitaire, de cette cohésion, et de cette unanimité face à l’ennemi. Cela représente l’un des éléments de force qui empêchera l’ennemi à continuer de cibler le Liban ou à poursuivre sa guerre contre le Liban. Nous demandons à Dieu Tout-puissant d’assister nos gens et notre peuple à Gaza, en Cisjordanie et en Palestine occupée, eux qui sont exposés chaque jour aux bombardements, aux massacres et au génocide devant le monde entier. Nous demandons à [Dieu Tout puissant] de confirmer et d’assister tous les sympathisants, combattants et résistants sur tous les fronts de l’axe de la résistance ; qu’ils soient tous certains que cette bataille s’achèvera par la grande victoire divine et historique. Netanyahu, Gallant, Ben Gvir et Smotrich mènent leur pays vers l’abîme, vers la troisième ruine, selon leur expression. Ce leadership insensé, imprudent, égoïste, narcissique, individualiste, téméraire mènera cette entité [israélienne] vers un abysse sans fond. Et ici, concernant l’avenir de la bataille, je dis : des jours, des nuits, des semaines, des mois et peut-être des années […] ; c’est une grande et longue bataille avec cette entité [israélienne], mais son horizon et sa fin sont clairs aux yeux des mujâhidîn, des croyants, de ceux qui patientent et de ceux qui s’en remettent à Dieu, des blessés ; et les martyrs en témoignent aujourd’hui depuis les cieux. Que la paix, les bénédictions et la miséricorde de Dieu soient sur vous.
(Traduction revue et commentée par Amin Elias et Martino Diez)
Note :
Tûfân al-Aqsâ (déluge d’al-Aqsa) : c’est le nom de l’offensive militaire que Hamas a lancé le 7 octobre 2023. Cette incursion, qui a surpris les Israéliens, a entraîné la mort de 1205 personnes. Environ 250 autres personnes, hommes, femmes et enfants, ont été prises en otages et conduites par les combattants de Hamas aux tunnels de Gaza.
Le 8 octobre, au moment où l’Iran parlait de l’unité de fronts (wahdat al-sâhât) le Hezbollah a déclaré une guerre contre Israël à partir du sud libanais ; guerre qu’il a nommé « bataille de soutien à Gaza » (harb ou ma‘rakat al-isnâd li-Ghazza). Il est judicieux de mentionner ici, que le Hezbollah a déclaré cette guerre de sa part, sans consulter personne au Liban et tout en ignorant et marginalisant le gouvernement libanais et l’opinion de 90% de la population libanaise qui s’est prononcée contre cette guerre. Il était clair que le Hezbollah exécutait un ordre iranien afin de renforcer la position de l’Iran dans ses négociations avec les États-Unis.
Tout au long de l’année dernière, le secrétaire général du Hezbollah, Hasan Nasrallah, a déclaré explicitement la position de son parti consistant à poursuivre cette bataille de soutien à Gaza.
Fin juillet et début décembre, Israël intensifie ses attaques contre le Hezbollah. Le 30 juillet 2024, Israël assassine à la banlieue sud de Beyrouth l’homme militaire n°1 du Hezbollah Fu’ad Shukr. Mardi et mercredi, 17 et 18 septembre, une attaque sans précédent, contre presque 6000 personnes du Hezbollah, a été exécutée par le biais de bipeurs (appareil Pagers) qui ont explosé entre les mains de leurs utilisateurs. Des dizaines de personnes ont été tuées et des milliers d’autres ont été touchées par des blessures très graves.
Le jeudi 19 septembre, le secrétaire général du Hezbollah, alors qu’il se préparait pour prononcer un discours sur la bataille du 8 octobre, s’est trouvé devant l’obligation de commenter les attaques sans précédent contre son mouvement. Ce fut son dernier discours avant son assassinat le 27 septembre 2024.
Avant de présenter les idées principales de ce discours, il convient de souligner sa nature prolixe. Le secrétaire général du Hezbollah révèle dès le début qu’il était en train de préparer un exposé dans le but de commémorer le premier anniversaire du Déluge d’al-Aqsa et la guerre de soutien lancée le lendemain de l’attaque de Hamas. Cependant, il s’est trouvé devant l’urgence de sortir publiquement avant cette commémoration pour commenter l’opération des bipeurs qui a tué et blessé des milliers de partisans et de militants du Hezbollah. Au temps où Nasrallah était en train de se préparer pour montrer à son public et au monde que c’est le mouvement de la résistance islamique à Gaza et au Liban, soutenu par la République islamique en Iran, qui avait le dessus dans la lutte contre Israël, il s’est trouvé sur la défensive.
Trois idées principales peuvent être tirées du dernier discours de Nasrallah : 1) La bataille du 8 octobre s’inscrit dans la lignée de la résistance islamique universelle et le mouvement du djihad contre Israël, les États-Unis, l’Occident et l’OTAN. 2) L’insistance sur la poursuite de la guerre de soutien à Gaza et au Hamas. 3) Cette bataille de soutien est considérée par le Hezbollah comme une carte dont dispose la résistance islamique palestinienne, et par conséquent l’Iran, dans les négociations avec Israël et les États-Unis.
Après l’assassinat de Nasrallah, Israël a réussi à éliminer presque tout le commandement du Hezbollah et à frapper son siège principal dans la banlieue sud de Beyrouth. En guise de conclusion, il convient de dire que tout jugement historique relatif à la situation actuelle, à Gaza et au Liban, reste prématuré notamment avec le changement politique radical qu’a connu la Syrie avec la chute du régime d’Assad le 8 décembre 2024. Notre rôle d’historiens et spécialistes de la région du Moyen Orient consiste, dans une de ses dimensions, à offrir des documents et les rendre accessibles dans les langues occidentales afin d’avancer aux spécialistes et au grand public des outils documentaires indispensables à tout raisonnement ultérieure et réflexion rationnelle sur le sujet.
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Cette traduction annotée a été réalisée par Amin Elias dans le cadre du projet d’intérêt national italien NIJAR (Negotiating with Islamist and Jihadi Armed Groups), financé par l’Union Européenne à travers le Plan National de Relance et de Résilience (PNNR). Programme NextGenerationEu, Mission 4, Composant 2, CUP J53D23018830001
[1] En arabe al-harb sijâl, expression proverbiale pour designer l’alternance de victoires et défaits.