En prétendant représenter une religiosité authentique et non contaminée, le salafisme exerce une attraction puissante sur les jeunes générations de musulmans européens, et il semble être en mesure de leur offrir une certitude éthique dans un monde confus et en pleine mutation

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Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:58:27

En prétendant représenter une religiosité authentique et non contaminée, le salafisme exerce une attraction puissante sur les jeunes générations de musulmans européens, car il semble être en mesure de leur offrir une certitude éthique dans un monde confus et en pleine mutation. Le Royaume-Uni montre de façon exemplaire comment une telle interprétation de l’Islam s’est répandue, de quels soutiens internationaux elle a bénéficié, et à quels mouvements elle a donné naissance.

 

Pendant les dix dernières années, suite aux actes de terrorisme commis par des musulmans et inspirés par des réseaux globaux tels al-Qaïda et Daech, les débats sur l’Islam en Europe ont été dominés par les préoccupations en matière de sécurité. En particulier, les islamistes politisés et les salafistes ultra-conservateurs ont été mis en lien avec ces mouvements internationaux, se retrouvant ainsi au centre de l’attention politique et médiatique.

 

C’est surtout le salafisme qui a été accusé de fournir l’idéologie religieuse qui motive rationnellement la violence terroriste. Nous proposons ici un rapide tour d’horizon sur la foi et sur les pratiques des salafistes, ainsi que sur la migration, l’implantation et le développement du salafisme en Grande-Bretagne et ses éventuelles trajectoires futures.

(...) 

 

Un nouveau paradigme religieux

 

En dépit de l’abondance croissante des études académiques à son sujet, le salafisme semble désorienter les analystes et les commentateurs, qui ont mal compris ses nuances religieuses et ses différences internes[1]. Le scénario est encore compliqué par le fait que certains salafistes préconisent la coexistence pacifique, tandis que d’autres ont recours à la violence pour opérer le changement social. Il est important en tout cas de reconnaître que le salafisme, comme paradigme religieux, a évolué au fil du temps et qu’il faut le déchiffrer dans le contexte de ses affirmations théologiques et de son développement historique.

 

Le terme de salafisme se réfère à un système doctrinal intérieur à l’Islam sunnite « fondé sur les enseignements purs et inaltérés du Coran, de la Sunna (tradition prophétique) et des pratiques des premières générations de musulmans (les Salaf) »[2]. La vénération pour ces musulmans des origines se fonde sur leur proximité chronologique avec la période prophétique, sur leur religiosité exemplaire et sur le rôle qu’ils ont joué dans la première expansion territoriale du pouvoir islamique. Cela a porté d’éminents théologiens à suggérer l’existence d’une relation de causalité entre la foi des « pieux ancêtres » et leur succès dans l’édification des premiers empires islamiques.

 

L’une des caractéristiques distinctives du salafisme est l’insistance sur la justesse et la pureté de la foi et des œuvres. Ce désir d’hygiène religieuse se traduit par des discours sur la pureté du credo, du corps et des interactions sociales ; il se manifeste également par une ligne de démarcation ferme entre musulmans et non-musulmans, et entre musulmans « purs » et « impurs ». L’idée de la pureté théologique, impliquée dans le slogan du « retour au Coran et à la Sunna » est l’un des concepts fondamentaux du répertoire linguistique des salafistes et, indirectement, fait allusion à l’impureté/insuffisance des musulmans non-salafistes. Simple et séduisante, elle souligne l’importance de se référer directement aux deux sources textuelles d’autorité de l’Islam : le Coran et les hadîths, semblable, à certains égards, à certaines formes de littéralisme protestant qui insistent sur la clarté des Écritures et sur leur accessibilité aux lecteurs laïques.

 

Outre le littéralisme des Écritures, le salafisme s’appuie sur une série de couples antagonistes : tawhîd (unicité de Dieu) contre shirk (polythéisme) ; fidélité à la Sunna prophétique (comportement personnel) en matière de rituel religieux contre bid‘a (innovation religieuse), avec, en conséquence, le refus d’une grande partie de l’histoire intellectuelle musulmane et de certains piliers de la modernité comme la rationalité, les sciences humaines ou le libéralisme, qui sont considérés comme une bid‘a susceptible de contaminer l’Islam. Dans leur schéma théologique particulier, ces concepts assument une importance critique, du moment que le tawhîd est le fondement de la doctrine selon laquelle Dieu seul a le droit d’être adoré, tandis que les musulmans doivent se protéger du shirk. Il s’ensuit que les salafistes sont souvent accusés par les autres musulmans d’être arrogants et de prétendre détenir le monopole de la véritable interprétation de l’Islam, ainsi d’estimer que les musulmans non-salafistes se rendent coupables de formes mineures de shirk. Dès lors, c’est le pluralisme religieux qui en fait les frais, du moment que les salafistes seraient les seuls à pratiquer véritablement le style de vie des salaf.

 

 

Variantes globales et manifestations locales

 

Le salafisme est un phénomène particulièrement hétérogène : il comprend des tendances et des orientations diverses, qui vont du quiétisme à l’activisme politique et jusqu’au djihadisme violent. À l’origine de ce spectre, on trouve des approches différentes au fiqh (jurisprudence), au manhaj (méthode de réforme religieuse) et à la politique, encore que les différents courants restent plutôt proches entre eux en matière de ‘aqîda (le credo). Ces différences sont apparues, de façon évidente, dans le sillage des révoltes arabes de 2011, lorsque les salafistes ont participé au processus électoral en Égypte, obtenant près de 25 % des voix, alors qu’ils avaient déclaré auparavant harâm (religieusement illicite) la participation à la vie politique démocratique. Leur entrée dans le domaine séculier est l’indice de certaines adaptations qui ont intéressé les salafistes politiquement orientés, qui voient dans ce passage un moyen de renforcer leur position parmi les courants religieux rivaux tels les Frères musulmans, et d’acquérir le pouvoir nécessaire pour susciter des sociétés islamiquement vertueuses. En raison de ses références intellectuelles et du contexte socio-politique différent, le salafisme en Arabie saoudite s’est manifesté d’une autre manière que ses équivalents égyptien et yéménite.

 

La littérature produite par les groupes salafistes illustre des préoccupations variées, qui vont de questions banales à des interrogations politiquement sensibles, par exemple s’ils doivent s’abstenir d’acheter des produits israéliens, ou s’il est acceptable pour un bon musulman de travailler à renverser un gouvernement musulman qui ne parvient pas à appliquer intégralement la charia[3].

 

Samir Amghar a observé que le salafisme en Europe peut se diviser en trois courants. Le premier est celui qu’il appelle « salafisme prédicatif », qui privilégie la mission et l’enseignement religieux. Le second est le « salafisme politique », qui met au premier plan l’activisme politique et social, et le troisième est représenté par le « salafisme révolutionnaire », nettement minoritaire, qui inscrit le djihad au centre de la foi religieuse. Chacun de ces courants maintient un rapport spécifique avec un pays de référence[4]. Bien que chacun de ces mouvements présente des caractères très conservateurs sur le plan social et intolérants sur le plan théologique, sur le plan politique les salafistes sont généralement passifs et non violents. Ce serait donc une erreur de supposer que nombre d’entre eux constituent une menace pour la sécurité. Pour ne citer qu’un exemple, les salafistes des Pays-Bas sont en majorité quiétistes et ont pris de la distance vis-à-vis de la contrainte et de la violence[5]. La forme violente du salafisme, qui, elle, constitue effectivement une menace, a été définie comme « djihadisme salafiste » ou « takfirisme », c’est une fusion moderne entre idéologie politique et théologie ultraconservatrice. L’anthropologue et spécialiste de terrorisme Scott Attran le souligne :

 

Les takfiristes (de tafkîr, excommunication) sont ceux qui ne reconnaissent pas et méprisent d’autres formes d’Islam, dont le wahhabisme (une doctrine qui préconise une obéissance semblable à l’obéissance calviniste vis-à-vis de l’État) et la plupart des doctrines fondamentalistes ou salafistes (qui s’opposent à la lutte entre coreligionnaires car source de discorde, ou fitna, dans la communauté musulmane). L’Islam salafiste est le véhicule dans lequel voyage ce mouvement takfiriste viral, tout comme le fondamentalisme chrétien est le véhicule dans lequel voyage le suprématisme blanc. Le véhicule en soi n’est pas la cause du virus, il en est en réalité la première victime[6].

 

Cette tendance extrémiste agit aux marges des communautés musulmanes en Europe, et est contestée de l’intérieur par des salafistes qui croient qu’elle a causé du tort à leur réputation et à leur cause.

 

Le salafisme britannique s’est largement répandu grâce à l’activisme d’une seule organisation, mais il s’est par la suite ramifié en plusieurs groupes et tendances. Les salafistes se différencient des islamistes en ce qu’ils ne s’organisent pas en formations hiérarchisées, mais fonctionnent à travers des réseaux de savants, d’étudiants et d’adeptes. Les approches salafistes à l’Islam se manifestèrent en Grande Bretagne au début des années 1980, à travers le financement de mosquées par l’État saoudien, et par des donateurs particuliers. Le nombre de mosquées de tendance salafiste est relativement bas, mais il est en train de croître. On relève, parmi les plus connues, le Salafi Institute de Birmingham, la mosquée de Brixton, le Masjid Tawhîd de Londres, le Centre islamique de Luton, et le Masjid Sunna de Manchester. Bien qu’ils ne représentent qu’une petite partie des quelque 2 000 mosquées de Grande Bretagne, leur influence est en train d’augmenter de façon démesurée grâce à une distribution efficace de leurs publications, à leur activisme, ainsi qu’à une forte présence médiatique et sur le net. L’organisation qui a contribué à répandre le salafisme au début des années 1990 est le JIMAS (Jam‘iyyat Ihyâ’ Minhâj al-Sunna, la Société pour la revivification de la Sunna), fondée en 1984 par Manwar Ali, alias Abû Muntasir. C’est ce dernier qui allait prêcher le salafisme parmi les jeunes musulmans, tenant d’innombrables discours dans des cercles d’études, dans les mosquées, dans les centres communautaires et dans les universités du pays tout entier. Vers la moitié des années 1990, le salafisme était déjà bien implanté au niveau national à travers un réseau de mosquées, de publications, de médias et un vaste corpus littéraire, qui allait devenir plus tard disponible également sur Internet.

 

Pour conférer un fondement à leur prétention d’authenticité, une grande partie des salafistes anglais se réfère constamment aux grands oulémas de l’Arabie saoudite du passé, comme ‘Abd al-‘Azîz Ibn Bâz (1919-1999), Muhammad Ibn al-‘Uthaymîn (1925-2001), Muhammad Nasr al-Dîn al-Albânî (1914-1999) ou à des experts religieux actuels comme Sâlih Fawzân (1933-). Comme le souligne l’historien Bernard Haykel :

 

L’attrait du salafisme réside dans la forme d’autorité qu’il prône et reproduit, ainsi que dans l’herméneutique particulière qu’il préconise. Ce qui le rend attrayant, ce ne sont pas ses soi-disant qualités « déterritorialisées » et fondamentalistes, ou la condition « globalisée » de la vie moderne. Ce qui explique en grande partie la fascination qu’il exerce, ce sont plutôt sa prétention de certitude religieuse et sa capacité apparemment illimitée de citer les Écritures pour étayer ses affirmations[7].

 

Dans la perspective salafiste, les personnes trouvent un type d’engagement religieux qui apparaît intellectuellement rigoureux, solidement fondé, et dégagé de la corruption dérivant de la religion folklorique ou des alternatives que proposent les mouvements réformistes rivaux comme les Young Muslims UK (les jeunes musulmans du Royaume-Uni) ou l’organisation islamiste radicale Hizb al-Tahrîr (parti de la libération). Le JIMAS a attiré essentiellement de jeunes musulmans et musulmanes sud-asiatiques de deuxième génération, et les convertis, en particulier des anciens chrétiens afro-caraïbes. Les recherches menées parmi des néo-converties ont montré que celles-ci sont fascinées en particulier par la théologie cohérente, la moralité bien définie et le sens de « sororité » des cercles salafistes, surtout si elles les comparent avec leur expérience du Christianisme. D’autres femmes sont arrivées au JIMAS venant d’autres groupes islamistes qui avaient déçu leurs attentes et n’avaient pas répondu de façon convaincante à la demande-clé : « Quel est le véritable Islam ? »[8].

 

 

Fragmentation et évolution

 

La croissance du salafisme anglais a atteint un point critique en 1995, lorsque les tensions qui couvaient entre les différentes factions au sein du JIMAS en ont provoqué l’éclatement, accompagné d’une fracture idéologique et méthodologique qui dure encore aujourd’hui. À l’époque de la première guerre du Golfe, en 1991, les experts salafistes se partagèrent sur la présence de troupes américaines sur un territoire considéré comme la patrie spirituelle de l’Islam. À l’origine, c’est en Arabie saoudite que s’est produite cette fracture : de jeunes oulémas commencèrent à critiquer le fait que les gouvernants avaient invité les Américains à combattre un autre pays musulman et, pire encore, à constituer des bases militaires sur une terre sacrée. Ces oulémas dissidents, dirigés par les cheikhs de la Sahwa (mouvement du réveil) Salmân al-‘Awda et Safar al-Hawâlî, étaient influencés intellectuellement par les idées réformistes des Frères musulmans et prirent de l’importance en 1990 précisément grâce à leurs critiques du gouvernement saoudien.

 

Abû Muntasir avait des rapports étroits avec ces oulémas, mais rencontrait la résistance de l’influent ‘Abd al-Wahîd (connu aussi comme Abû Khadîja), qui rejetait la tendance à la politisation du mouvement Sahwa. Ce dernier contesta Abû Muntasir, ce qui porta à l’éclatement du JIMAS en 1995-1996. En dépit des tentatives de personnalités faisant autorité dans la communauté salafiste pour réduire la fracture, celle-ci devint irrémédiable. Abû Khadîja et d’autres éléments se détachèrent du mouvement pour créer les Salafi Publications, politiquement quiétistes, s’attirant ainsi le sobriquet de « ultra-salafistes » que leur donnèrent les autres salafistes en raison de leurs tentatives agressives de décider qui méritait véritablement le titre de salafiste.

 

Durant cette période de tension, la plupart des salafistes devaient non seulement se défendre face aux pratiques d’inquisition des ultra-salafistes, mais aussi se confronter avec l’apparition d’un courant salafiste djihadiste, représenté par des gens comme le converti jamaïcain Abdullah el-Faisal. Les propos djihadistes parvinrent au Royaume-Uni avec l’arrivée, entre la fin des années 1980 et 1990, d’idéologues exilés et d’anciens mujâhidîn « nomades ». Sans travail, beaucoup de ces combattants se déplaçaient d’une zone de conflit à l’autre à la recherche de causes islamistes à soutenir.

 

Abdullah el-Faisal exploita ce contexte social pour tenter de se constituer une base de consensus en Grande Bretagne, ce qui suscita des appréhensions tant au sein du JIMAS que parmi les ultra-salafistes en raison de sa supériorité présumée en matière de savoir religieux. El-Faisal avait obtenu sa licence à l’Université Muhammad Ibn Sa‘ûd, en Arabie saoudite, et avait été longtemps imam de la mosquée de Brixton au début des années 1990 (avant d’être relevé de ses fonctions), devenant célèbre pour ses discours incendiaires contre l’appareil religieux saoudite. Il fit également des conférences fameuses telle celle intitulée The Devil’s Deception of the Saudi Salafis, [Le diable a trompé les salafistes saoudiens] où il déclarait le Royaume-Uni dâr al-harb (territoire de guerre) et incitait à voler les riches touristes arabes du Golfe. Sa rhétorique représentait un gros problème pour les salafistes anglais de toutes tendances, et entrainait certains d’entre eux vers le djihadisme.

 

Le 11 septembre et l’attaque terroriste de Londres du 7 juillet 2005 ont été eux aussi des éléments déterminants dans le changement du salafisme britannique. L’attention des médias commença à se concentrer sur les liens possibles entre salafisme et terrorisme, et l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation anti-terroriste mit en lumière le danger potentiel des discours salafistes extrémistes et exclusivistes. Cela donna une impulsion nouvelle à la coopération intra-musulmane et à la recherche du consensus. Le JIMAS s’unit à d’autres groupes islamiques pour organiser des conférences et expliquer la différence entre djihad et terrorisme, même s’il est opportun de rappeler que les Salafi Publications avaient déjà condamné explicitement al-Qaïda avant même les attaques de Londres.

 

 

Entre intégration et isolement

 

Le salafisme du JIMAS des origines a été une perspective nouvelle et radicale pour beaucoup de jeunes musulmans. Comme d’autres courants religieux de poids, par exemple Hizb al-Tahrîr, le salafisme a proposé le refus d’un Islam inculturé localement. Vers la fin des années 2000, beaucoup d’observateurs avaient relevé l’apparition de ce que l’on allait appeler le « Salafisme lite », c’est-à-dire la tentative de certains salafistes d’atténuer les tons de leur langage et de leurs écrits, en utilisant des expressions comme « Islam orthodoxe » ou « Islam normatif » pour crypter leur loyauté au salafisme. Ce salafisme implicite transcende les différentes organisations et a été favorisé par la popularité de chaines satellitaires comme Islam Channel et Peace TV. Cette évolution, accompagnée de la présence capillaire de la littérature pro-salafiste, a aidé à promouvoir la « salafisation » des discours religieux communs.

 

La fascination exercée par le salafisme sur les jeunes musulmans anglais peut relever d’une série de facteurs corrélés entre eux. Le premier d’entre eux a été la globalisation du discours salafiste saoudien grâce aux financements publics et privés de certaines institutions islamiques britanniques, la distribution déferlante de la littérature salafiste sur Internet et les bourses accordées pour aller étudier à l’université de Médine. Le second facteur a été la réception, féconde, des thèmes salafistes parmi les musulmans nés en Grande Bretagne qui étaient en quête d’une identité religieuse capable de réveiller en eux l’orgueil de leur foi. En troisième lieu, le salafisme a semblé offrir à ses adeptes un Islam incontaminé et intransigeant, aux fondements solides, capable d’offrir une certitude éthique dans un monde confus et en transformation rapide, capable aussi de répondre à leur désir d’authenticité en tant que seuls musulmans à adhérer au concept du tawhîd, à la Sunna authentique et au manhaj des Salaf. Le salafisme a refusé catégoriquement les diversités théologico-culturelles que l’on trouve au sein de l’Islam de l’Asie méridionale, générant un élitisme ultra-orthodoxe vis-à-vis des « musulmans inférieurs » et une séparation face à la société britannique mécréante.

 

Les positions salafistes en Grande Bretagne, peut-on dire, sont représentées par six sous-groupes : puritains, apolitiques, ultra-salafistes, salafistes politisés, salafistes djihadistes, salafistes libéraux progressistes du JIMAS et salafisme méthodologique de l’association iERA/ALMaghrib, dont la pratique religieuse ne suit aucun groupe en particulier, mais est plutôt une approche des sources textuelles islamiques et des références de la tradition islamique. Les plus quiétistes, les ultra-salafistes, qui sont encore les plus influents grâce à leur présence sur le web et à leurs publications, ont connu récemment une scission à la suite de divergences entre le cheikh Muhammad Ibn Hâdî al-Madkhalî, un de leurs points de référence religieux, et le cheikh Rabî‘ al-Madkhalî.

 

Les salafistes anglais ont dû s’adapter progressivement au changement de climat socio-politique dans le Royaume-Uni, ainsi qu’affronter leurs disputes internes et la rivalité avec les autres courants revivalistes. Le résultat final est qu’ils se sont progressivement intégrés dans le panorama social et religieux britannique, tout en parvenant à maintenir leur propre isolement – et ils voudraient continuer à faire la même chose dans l’avenir.

 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité les auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Fondation Internationale Oasis
 

[1] Roel Meijer (dir.), Global Salasm: Islam’s New Religious Movement, Hurst & Co., London 2009. Henri Lauzière, The Making of Salafism: Islamic reform in the Twentieth Century, Columbia University Press, New York 2016 et Frank Griffel, What Do We Mean By “Salafi”? Connecting Muhammad ʿAbduh with Egypt’s Nur Party in Islam’s Contemporary Intellectual History, « Die Welt des Islams » vol. 55 (2015), pp. 186-220.

[2] Mohamed Bin Ali, Salafis, Salafism and Modern Salafism: What Lies Behind a Term?, « RSIS Commentary » n. 57, 18 mars 2015, Singapour.

[3] Ibidem.

[4] Samir Amghar, Salafism and Radicalisation of Young European Muslims, in Samir Amghar, Amel Boubekeur, Michael Emerson (dir.), European Islam: Challenges for Public Policy and Society, Centre for European Policy Studies, Brussels 2007, pp. 38-51.

[5] Margaretha A. van Es, Muslims Denouncing Violent Extremism. Competing Essentialisms of Islam in Dutch Public Debate, « Journal of Muslims in Europe », vol. 7, n. 2. (2018), pp. 146-166.

[6] Scott Attran, Who becomes a terrorist, « Perspectives on Terrorism », vol. 2, n. 5 (2008).

[7] Bernard Haykel, On the Nature of Salafi Thought and Action, in Roel Meijer (dir.), Global Salasm, p. 36.

[8] Anabel Inge, The Making of a Salafi Muslim Woman: Paths to Conversion, Oxford University Press, Oxford 2016.

Pour citer cet article

 

Référence papier:

Sadek Hamid, « Le salafisme en Grande Bretagne. Les raisons d’un succès », Oasis, année XIV, n. 28, décember 2018, pp. 87-95.

 

Référence électronique:

Sadek Hamid, « Le salafisme en Grande Bretagne. Les raisons d’un succès », Oasis [En ligne], mis en ligne le 27 mars 2019, URL: https://www.oasiscenter.eu/fr/le-succes-du-salafisme-en-grande-bretagne.

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