L'aventure millénaire des communautés chrétiennes en Mésopotamie

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Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:28:32

Iraq chiesa.jpgCompte rendu de Fernando Filoni, I cristiani in Irak. Storia, sviluppo e missione dagli inizi ai nostri giorni, LEV, Roma 2015.

« De la connaissance naît l’estime, et avec l’estime l’amitié et l’affection ». C’est cette forte conviction, exprimée par l’auteur dans sa préface, qui guide le parcours du volume qui déroule la situation changeante des communautés chrétiennes de la Mésopotamie au cours de leur histoire millénaire, de leur naissance – fin du Ie/début du IIe siècle – à aujourd’hui. Bien que l’attention soit concentrée sur les chrétiens d’Irak, en réalité, l’aire géographique qui intéresse cette histoire est plus vaste : elle inclut en effet la Perse, une partie de l’Arménie et de la Turquie sud-orientale d’aujourd’hui, et des parties de la Syrie actuelle, en particulier la Gézira, c’est-à-dire cette vaste bande rurale située aux confins de la Syrie, de l’Irak et de la Turquie, densément peuplée traditionnellement de villages chrétiens. Ces transgressions « géographiques » par rapport aux frontières politiques de l’Irak moderne ne doivent pas surprendre. L’auteur dès le début souligne que l’État irakien, entité politique créé par les puissances européennes après la première guerre mondiale, manque en effet d’une tradition culturelle, sociale et politique unitaire. L’Irak comprend une société de tribus, de communautés religieuses et d’ethnies diverses, dont la présence vient couper et dépasser les confins modernes des États.

L’histoire des chrétiens en Irak, encore qu’avec ses spécificités propres, ne peut être écrite sans tenir compte du contexte limitrophe, dans lequel ces mêmes communautés chrétiennes ont vécu, à l’intérieur de sociétés ethniquement et religieusement toujours composites. Le sujet ecclésial lui-même est par ailleurs pluriel : les chrétiens de l’aire mésopotamienne sont partagés en un grand nombre d’Églises (assyrienne, chaldéenne, syro-orthodoxe, syro-catholique, arménienne) qui expriment aujourd’hui encore, bien qu’avec des tons de réconciliation, les sensibilités différentes, théologiques et culturelles, de l’Église antique. L’auteur a choisi une méthode précise, privilégiant dans son travail un point de vue essentiellement politique et institutionnel. L’un des grands mérites du volume est justement de retracer l’histoire des chrétiens en Irak en les inscrivant systématiquement à l’intérieur des évolutions politiques qui en influençaient nécessairement le sort, et qui sont analysées de manière organique, et riche de détails. L’attention à la dimension politique s’intègre avec une analyse détaillée, très fournie en données, des missions lancées par l’Église catholique latine dans cette région du Moyen-Orient, en particulier du XVIe au XXe siècle.

Une telle analyse inclut les références détaillées aux différents missionnaires latins – appartenant à de grands ordres religieux dont les augustins déchaussés, les carmes, les capucins, les dominicains – envoyés en Mésopotamie avec un double objet : promouvoir la communion des chrétiens orthodoxes avec l’Église catholique, et soutenir les communautés chrétiennes elles-mêmes surtout sur le plan éducatif et culturel. On voit fort bien émerger la complexité des relations qui caractérisent le rôle de ces missionnaires : en premier lieu, le rapport avec le pape, mais aussi les rapports avec les États européens, en particulier la France, qui, au temps des Capitulations, se propose comme « protectrice » des chrétiens d’Orient, et, naturellement, les rapports avec le pouvoir politique local, toujours d’appartenance musulmane.

Il en résulte une histoire tourmentée, caractérisée, à partir du VIIe siècle, par la domination politique islamique, qui a signifié le début d’une parabole pluriséculaire de discriminations, de pressions légales pour induire les chrétiens à la conversion à l’Islam, et qui a provoqué souvent de vastes situations de pauvreté économique et culturelle. Et pourtant, on voit comment une histoire si douloureuse a pu tremper les communautés chrétiennes en les enracinant dans la foi et dans le témoignage, les rendant de fait capables de survivre à l’intérieur d’un parcours historique où prévalent les teintes dramatiques, qui s’intensifient au XXe siècle et qui aujourd’hui, avec le succès militaire de l’EIIL – jusqu’ici pas sérieusement freiné – semblent de nouveau prévaloir de manière impressionnante.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité les auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Fondation Internationale Oasis

Pour citer cet article

 

Référence papier:

Andrea Pacini, « Chrétiens d’Irak, l’histoire d’une foi trempée», Oasis, année XI, n. 22, décembre 2015, pp. 130-131.

 

Référence électronique:

Andrea Pacini, « Chrétiens d’Irak, l’histoire d’une foi trempée», Oasis [En ligne], mis en ligne le 27 janvier 2016, URL: https://www.oasiscenter.eu/fr/chretiens-dirak-lhistoire-dune-foi-trempee.

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