Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:48:37

Auteur: G. del Pozo Abejón Titre: La Iglesia y la libertad religiosa É diteur: BAC, Madrid 2007 La doctrine de la déclaration conciliaire Dignitatis humanae sur la liberté religieuse est-elle en contradiction avec le magistère pontifical précédent ? Ou bien doit-on parler de continuité ? Mais, dans ce cas, parler de continuité signifierait-il nier la présence d’une nouveauté réelle dans l’enseignement ecclésial ? Pour répondre à ces questions, qui de façon succincte résument les débats concernant la déclaration sur la liberté religieuse de Vatican II, il est nécessaire d’identifier quel est le contenu précis de l’enseignement conciliaire. L’ouvrage de Gerardo del Pozo Abejón, professeur à la Facultad de Teología San Dámaso de Madrid, constitue une étude soignée et capable d’offrir une réponse précise aux interrogations posées. L’essai est divisé en quatre chapitres. Dans le premier – dont le titre est « La question historique de la Dignitatis Humanae » – l’auteur présente une description de la situation historique, à partir de la Seconde Guerre Mondiale, qui a accompagné la rédaction-approvation de la déclaration conciliaire et son accueil dans les années qui suivirent immédiatement le Concile. Son insistance sur l’importance des conditions historiques qui conduisent l’Église, guidée par l’Esprit, à un approfondissement de sa foi et de ses conséquences dans le domaine de l’organisation sociale est caractéristique de la réflexion de l’auteur. À travers les discussions entre la Commission théologique du Concile (Ottavini) et le Secrétariat pour l’Unité des chrétiens (Bea), les influences des propositions américaines et les rédactions successives du document, on en arrive au texte définitif approuvé le 7 décembre 1965. Les Pères du Concile, cependant, furent conscients que deux questions devaient être ultérieurement approfondies : « Montrer la continuité avec le magistère précédent et fonder la liberté religieuse sur une théologie de la liberté chrétienne ». La deuxième partie du chapitre aborde l’accueil mouvementé de la Dignitatis humanae après le Concile. Deux tendances se sont succédées dans l’interprétation de la déclaration conciliaire. Pour certains, elle constitue un choix de discontinuité avec le magistère précédent. Tandis que pour d’autres, nous nous trouvons face à un développement homogène, plus ou moins réussi, de la doctrine. Cette deuxième ligne d’interprétation est substantiellement partagée par Del ¬Pozo, même si dans son essai, il introduit une précision décisive : développement homogène ne signifie pas simplement que la doctrine conciliaire sur la liberté religieuse ait été l’élargissement et l’application de la doctrine traditionnelle sur la tolérance ; il faut reconnaître un vrai et réel progrès dans l’accueil de la Révélation que l’Église, guidée par l’Esprit, a réalisé dans les conditions historiques qu’elle a vécues. Le deuxième chapitre est intitulé « les Papes condamnent le système de liberté de conscience et de cultes consécutif à la Déclaration française de 1789 ». Le parcours commence par une présentation de la Déclaration française de 1789, avec une attention particulière à ses sources idéologiques et à la Constitution Civile du Clergé. La condamnation de Pie VI toucha la conception de liberté morale absolue ainsi qu’elle est proposée par la Déclaration Française. Ensuite, Grégoire XVI condamnera avec l’encyclique Mirari vos la liberté absolue de conscience en matière religieuse car fondée sur l’indifférentisme. La troisième partie de ce cheminement du XIXe siècle a comme protagoniste Pie IX et les très célèbres documents Quanta cura et Syllabus, par lesquels le Pape condamna la liberté de conscience et de culte, conséquence du naturalisme politique et philosophique. L’auteur conclut son exposition en affirmant que « Pie VI, Grégoire XVI et Pie IX s’opposèrent au laïcisme, à la proclamation de l’autonomie de l’individu et de la société à l’égard de Dieu et de son ¬église. Mais ils ne nièrent pas la liberté dont l’homme doit jouir à l’égard de l’État pour chercher la vérité » (p. 133). Pour cela, les condamnations pontificales ne touchèrent pas la liberté religieuse comme elle est enseignée dans la déclaration Dignitatis humanae. « Les Papes défendent les droits fondamentaux de l’homme », voici le titre du troisième chapitre et de la seconde étape du développement de la doctrine concernant la liberté religieuse. Ainsi, les enseignements de Léon XIII, Pie XI, Pie XII et de Jean XXIII sont étudiés en profondeur. Le Pape de la Rerum novarum évolue par rapport à ses prédécesseurs dans la continuité et le progrès : « Continuité parce qu’il continue à condamner l’indifférentisme théorique tant au niveau individuel que social, l’autorisation positive de la part de la loi d’un tel indifférentisme, et la conséquente liberté sans limites. Progrès, parce qu’il distingue et ainsi évite la confusion entre liberté de conscience fondée sur l’indifférentisme et la vraie liberté de conscience à l’égard de l’État pour pouvoir suivre, en conscience, la volonté de Dieu et accomplir ses commandements sans aucun obstacle ». Ce fut en particulier la tragédie des totalitarismes qui conduisit Pie XI à une défense vaillante et systématique de la dignité-liberté, des droits de la personne humaine et à l’ouverture objective de la voie vers l’affirmation du droit à la liberté -religieuse. Ces thèmes furent ensuite repris par Pie XII dans son discours Ci riesce de 1953, tandis que l’apport de Jean XXIII dans l’encyclique Pacem in terris consista à insister sur le droit de l’homme à pouvoir vénérer Dieu selon sa conscience droite. Le quatrième et dernier chapitre « L’Église déclare dans Vatican II le droit universel à la liberté religieuse civile » aborde l’étude de l’enseignement sur la liberté religieuse de Dignitatis humanae. Del Pozo commence son exposition par une référence longue et précise à l’enseignement de la constitution pastorale Gaudium et spes, qui offrit à Dignitatis humanae deux coordonnées fondamentales : la reconnaissance de la dignité et de la liberté de la personne humaine comme signe des temps approfondi en clé christologique et la nouvelle compréhension des rapports entre Église et communauté politique. Quelles sont les nouveautés fondamentales de l’enseignement conciliaire ? L’auteur en identifie deux : « La première et principale nouveauté : la déclaration que tout homme a le droit à la liberté religieuse. [...] La seconde nouveauté est l’explication des éléments essentiels de la liberté à peine déclarée. En elle, sont décrits les sujets actif (la personne humaine) et passif (personnes seules, groupes et pouvoir politique), le fondement (la dignité de la personne humaine), la nature (droit naturel/fondamental qui doit être reconnu civilement), l’objet (l’immunité de la contrainte externe pour agir socialement en conscience en matière religieuse) et les limites dans l’extension de l’objet (dans les limites dues, le juste ordre public) ». Del Pozo souligne de façon répétée que, en parlant de liberté religieuse, le Concile ne se réfère pas à une liberté morale à l’égard de la vérité, mais à une liberté juridique dans le domaine des rapports entre les personnes et dans la vie sociale. Il s’agit, en outre, d’un droit négatif qui implique l’immunité de contrainte dans un double sens : l’homme a le droit de ne pas être contraint à agir contre sa conscience et de ne pas être empêché, dans les limites nécessaires, à agir conformément à elle. La chapitre se termine par une ébauche sur l’apport du magistère de Jean Paul II, vaillant défenseur de la dignité de la personne humaine et, en même temps, des devoirs de la conscience à l’égard de la vérité et du bien. Cet essai offre au lecteur un cadre simultanément détaillé et synthétique de l’enseignement ecclésial sur la liberté religieuse. L’insistance de l’auteur sur le caractère juridique et négatif de cette liberté est particulièrement éclairante. Non seulement parce qu’elle délimite de façon adéquate le champ à l’égard d’une conception absolue et illimitée de la liberté morale, montrant de cette façon la continuité avec la doctrine traditionnelle, mais aussi parce qu’elle montre avec clarté le poids anthropologique de sa dimension sociale.