Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:44:33
La reconnaissance de l'indépendance du Kosovo de la part des États-Unis et de nombreux pays de l'Union Européenne (en février 2008) a été accueillie par des sentiments contrastants. Le point essentiel de la question est la crainte que cet évènement puisse valoir comme précédent politique et juridique pour d'autres populations désirant se soustraire à l'insertion forcée dans des réalités d'états auxquelles, à tort ou à raison, elles se sentent étrangères.
Ce n'est pas par hasard si les états qui craignent la possibilité de développements analogues à l'intérieur de leur pays, se sont opposés à cette légitimation. Il s'agit de pays européens (Espagne, Roumanie, Slovaquie, Chypre et ainsi de suite), mais également de Chine et Russie. Un intérêt particulier doit en effet, être attribué à la position russe, déterminée par deux facteurs distincts. Le premier, même si en grande mesure instrumentale, est la traditionnelle proximité politico-culturelle de Moscou à la Serbie. Le second dérive plutôt du fait que la Fédération Russe est constituée d'une pluralité de sujets ethno-territoriaux, certains desquels - surtout la Tchétchénie - nourrissent encore des ambitions sécessionnistes. Au même moment, Moscou joue dans le Caucase un match géopolitique complexe, où il soutient - tout en ne les reconnaissant pas officiellement - les entités séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Ces régions font juridiquement partie de la Géorgie, mais elles s'en sont en réalité séparées après des conflits sanglants en 1992-93.
La situation du Haut-Karabakh est semblable, insérée à l'époque soviétique en Azerbaïdjan turc et musulman, mais habité pour la plupart par des Arméniens et devenu de fait indépendant au début des années '90. Un des arguments avancés par Moscou pour s'apposer à la légitimation du Kosovo a été justement celui de prévoir l'éventualité que ces « états non états » du Caucase du Sud veuillent s'en servir pour avancer la même requête à la communauté internationale. Et la Russie a déjà fait savoir que l'indépendance du Kosovo pourrait l'induire à reconnaître Abkhazie et Ossétie du Sud. Même s'il paraît fort improbable que Moscou veuille aller réellement dans cette direction, à cause des répercussions internes possibles qu'un pas de ce genre risquerait de provoquer, l'indépendance du Kosovo peut cependant renforcer la position des régions sécessionnistes du Caucase du Sud. En particulier du Haut-Karabakh, dont le cas démontre des évènements parallèles avec le Kosovo et dont la requête de détachement de l' Azerbaïdjan a été jusqu'à présent toujours repoussée par la communauté internationale pour ne pas compromettre le principe de l'intangibilité des frontières.
En effet, il est très difficile de considérer fondées les déclarations des diplomates américains et européens sur le fait que l'indépendance du Kosovo soit « un cas particulier » et « ne puisse consister un précédent ». Il s'agit, à vrai dire, d'une position défensive qui s'efforce de défendre avec des argumentations faibles une thèse contrastant avec la réalité. La véritable particularité du Kosovo par rapport à Abkhazie et Ossétie du Sud et surtout au Haut-Karabakh n'est en fait ni juridique ni historique, mais uniquement politique. En substance, dans le cas du Kosovo, une volonté politique américaine et européenne s'est manifestée (en particulier de France, Allemagne, Grande-Bretagne et Italie) plutôt fortement pour imposer une solution appréciée uniquement par une seule des parties en cause. Dans le Caucase, qui est partagé entre l'influence russe et celle américaine et où la présence européenne reste limitée, il n'existe pas au contraire la possibilité d'arriver à une solution unilatérale de ce genre. Cette situation, toutefois, détermine la réfrigération des conflits, mais non pas leur solution. Il serait toutefois opportun que l'indépendance du Kosovo puisse servir comme point de départ pour l'identification d'un parcours politco-juridique flexible, mais non pas exclu à priori, visant à rendre résolubles des conflits analogues ethno-territoriaux, sur la base de la spécificité historico-culturelle, politique et stratégique de chacun d'eux.