Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:34:03
On a beaucoup parlé de Islam Yakan en Égypte au cours de l’année qui s’est écoulée : un jeune homme de famille aisée parti combattre le jihad en Syrie dans les rangs de l’État islamique. En septembre dernier, un journal égyptien avait
reconstruit son parcours, recueillant les témoignages de parents, voisins et amis. Mais c’est le jeune homme lui-même qui a révélé les détails de son enrôlement dans un récit publié sur le site justpaste.it. Islam raconte comment, d’étudiant en droit peu motivé à l’université ‘Ayn Shams du Caire, il est devenu combattant du jihad en passant par un emploi d’entraîneur dans un centre sportif et la prédication islamique dans les rues de la capitale : « Toute ma vie était faite d’entrainement, de prédication, de mosquée et de mémorisation du Coran ».
L’idée du jihad s’insinue progressivement en lui, jusqu’à devenir une obsession : « Nous avons vu la condition des musulmans et de l’Islam en différents points du monde, de la Syrie à la Birmanie et à la Palestine, et l’humiliation, l’asservissement, et la faiblesse dans lesquelles ils se trouvent, et nous avons pensé instinctivement au jihad et au combat, même si nous ne savions pas en quoi cela consistait : nous en avions entendu parler uniquement dans les récits et dans les livres, et peut-être à la télévision ou sur internet avec Osama Bin Laden […] Nous avons commencé à parler du jihad, mais c’était pour nous comme un rêve, une légende ».
Un jour, un de ses amis part pour la Syrie : à partir de ce moment-là naît en lui aussi et brûle le désir de tout laisser pour aller combattre, même si, à l’époque, il ne savait « rien du jihad, ni de son fondement, ni de ce que prévoit à son sujet le credo islamique ». Il demande des explications à un shaykh, mais ses réponses ne le satisfont pas. Islam revient chez lui, allume la télévision sur la chaîne consacrée au Coran, et entend le verset : « Dis : Si vos pères, vos fils, vos frères, vos épouses, vos clans, les biens que vous avez acquis, un négoce dont vous craignez le déclin, des demeures où vous vous plaisez, vous sont plus chers que Dieu et son Prophète et la lutte dans le sentier de Dieu : attendez-vous à ce que Dieu vienne avec son Ordre. – Dieu ne dirige pas les gens pervers » (Cor. 9,24). Mots fulgurants pour Islam : en ce moment même, sa décision est prise. Après s’être procuré avec quelque difficulté les documents nécessaires, il part pour la Turquie, d’où on le fait ensuite passer en Syrie. Islam Yakan est mort le 1er décembre dernier à Kobane en se faisant exploser dans une voiture bourrée d’explosifs. Avant de mourir, il a diffusé sur Twitter son « testament » chargé sur justpaste.it, puis repris par bon nombre de journaux égyptiens.
Le texte, que nous reproduisons ci-dessous, est un collage de citations du Coran et de traditions prophétiques, rapprochées pour expliquer la noblesse de la mort sur la « voie de Dieu » et inviter d’autres musulmans à suivre son exemple.
Sa biographie et ses propos (ou du moins la forme qu’ils ont assumée du fait de la personne qui les a publiés sur Internet) font apparaître combien le jeune homme cherchait à donner un sens définitif à sa vie, et l’a trouvé dans le choix de l’action violente la plus abominable, comme le confirme la suite impressionnante des actes qu’il encourage pour punir les mécréants et obtenir la satisfaction divine.
Testament spirituel de Islam Yakan diffusé via Twitter, adressé à ses compagnons de combat.
Louange à Dieu seul et prière et paix sur celui après lequel il n’est plus de prophète.
« Ceci est le message et le testament du serviteur de Dieu Islam Yakan, appelé Abû Salma. […]
Avant tout je vous demande votre indulgence pour tout mal que je pourrais avoir commis par mes paroles ou mes actions, consciemment ou inconsciemment. Je déclare devant Dieu que je pardonne tous ceux qui m’ont fait du tort, si graves qu’aient pu être leurs offenses, celles que je connais ou celles que j’ignore. Le Très-Haut dit : « Nous n’avons donné l’immortalité à nul homme avant toi. Seraient-ils immortels, alors que tu mourras ? » (Cor. 21,34). Et encore: « Dis : Oui, la mort que vous fuyez va vous rejoindre. Vous serez ensuite ramenés devant celui qui connaît parfaitement ce qui est caché et ce qui est apparent. Il vous informera de ce que vous faisiez » (Cor. 62, 8). « Où que vous soyez, la mort vous atteindra, même si vous vous tenez dans des tours fortifiées » (Cor. 4, 78). La mort rassemble le musulman, l’athée et le mécréant ; elle arrive à l’improviste, et ne fait pas de différence entre le petit et le grand, le malade et le bien portant, selon le terme que Dieu a prescrit pour nous. […]
Le Très-Haut a dit : « Nous n’avons pas créé par jeux les cieux, la terre et ce qui est entre les deux. Nous les avons créés en toute Vérité, mais la plupart des hommes ne savent pas » (Cor. 44,38-39). Sachez donc que nous n’avons pas été créés pour vivre comme des moutons et manger, boire et nous reproduire. Nous avons été créés pour une fin et un but qui est de professer le monothéisme dans notre cœur, dans nos paroles et dans nos actions. Tel est le message que Dieu a envoyé à travers tous ses messagers. […]
Tu obéiras aux ordres de Dieu, tu combattras sur Son sentier pour rendre suprême sa Parole et faire régner sa loi, et tu vivras sous Son ombre puissante et généreuse. Ou bien tu seras tué en marchant en avant et non en reculant, fidèle au Très-Haut, et alors tu seras un martyr et c’est ce qu’il y a de mieux pour vous, si vous le saviez. Le Très-Haut a dit : « Dieu a acheté aux croyants, leurs personnes et leurs biens pour leur donner le Paradis en échange. Ils combattent dans le chemin de Dieu : ils tuent et ils sont tués. C’est une promesse faite en toute vérité dans la Tora, l’Évangile et le Coran. Qui tient son pacte mieux que Dieu ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait : voilà le bonheur sans limites ! » (Cor. 9,111).
Annonce à celui qui a choisi la voie de l’intégrité et le sentier du jihad que maintenant Dieu lui prescrit d’accomplir sa
hijra vers l’État islamique. Celui-ci a un Calife, le prince des croyants Ibrâhîm Ibn ‘Awwâd al-Badrî, auquel il doit prêter allégeance. L’Envoyé de Dieu –la paix de Dieu soit sur lui – a dit dans son
hadîth authentique : « Qui meurt sans avoir prêté allégeance [au Calife] mourra dans l’ignorance ». […]
O Frères du monothéisme qui vous trouvez en différents points du monde, et en particulier vous du Sinaï, Dieu est témoin de l’amour qu’en Lui j’éprouve pour vous. Je demande au Très-Haut que, par cet amour, il nous réunisse à l’ombre de Son trône, dans le Paradis le plus élevé. Veillez, soyez patients, soyez fermes dans la lutte et craignez Dieu afin que vous puissiez prospérer. Combattez les ennemis de Dieu parmi les mécréants adorateurs de la croix, les juifs et les tyrans apostats qui gouvernent les arabes, leurs armées et leurs partisans. Égorgez-les de vos épées, ouvrez-leur la tête avec vos projectiles, faites sauter en l’air leurs corps avec vos ceintures explosives, et n’oubliez pas les voitures piégées, car ce sont les armes les plus terribles et les plus dévastatrices et qu’elles comptent parmi les actions privilégiées pour obtenir la satisfaction du Miséricordieux. Sachez que Dieu vous soutiendra si vous agissez pour soutenir sa religion et ses serviteurs qui sont opprimés, parce que le Très-Haut a dit : « O vous qui croyez : si vous aidez Dieu, il vous secourra et il affermira vos pas. – Malheur aux incrédules car Dieu rendra vaines leurs œuvres. Il en est ainsi, parce qu’ils ont éprouvé de l’aversion pour ce que Dieu a révélé : il rendra vaines leurs œuvres ». (Cor. 47,7-9). Sachez que « le Paradis est à l’ombre des épées », et ne désirez d’autre but que le martyre.
Ma mère, mon père, et mes frères ! Je demande à Dieu de me pardonner, moi et eux aussi, et d’en avoir pitié parce qu’ils m’ont élevé depuis mon enfance ; je leur recommande de prendre les distances des tyrans infidèles qui gouvernent le pays sans la Loi de Dieu. Le Très-Haut a dit : « Les incrédules sont ceux qui ne jugent pas les hommes d’après ce que Dieu a révélé » (Cor. 5,44). Eux au contraire gouvernent avec la constitution, la démocratie et la laïcité et sont amis des mécréants, juifs et chrétiens et d’autres idolâtres. Le Très-Haut dit : « Celui qui, parmi vous, les prend pour ami, est des leurs » (Cor. 5,51). Je leur recommande d’émigrer dans l’État islamique pour y vivre le reste de leurs jours sous la Loi de Dieu Tout-Puissant : ils comprendront alors les choses de leur religion que les tyrans leur ont tenues cachées dans leur pays. Je leur recommande de trouver leur réconfort dans la Sunna du Prophète – que Dieu le bénisse et lui donne la paix – quand ils apprendront mon martyre, si telle sera la volonté de Dieu. Ils ne devront pas déchirer leurs vêtements ni se frapper le visage, ils ne devront pas pleurer pour moi, ni réciter les prières des païens, ils ne devront pas porter le deuil au-delà des trois jours, ni recevoir les condoléances, parce que tout cela n’appartient pas à la religion de Dieu et j’en suis innocent. Qu’ils se rappellent les paroles du Très-Haut : « Ne dites pas de ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu : ils sont morts ! Non ! Ils sont vivants, mais vous n’en avez pas conscience. Nous nous éprouvons par un peux de crainte, de faim, par de pertes légères de biens, d’honneurs ou de récoltes. Annonce la bonne à ceux qui sont patients, à ceux qui disent, lorsqu’un malheur les atteint : nous sommes à Dieu et nous retournons à lui. Voilà ceux sur lesquels descendent des bénédictions et une miséricorde de leur Seigneur. Ils sont bien dirigés » (Cor. 2,154-157).
Je m’adresse enfin à mon cher shaykh, le commandeur des croyants Ibrâhîm ibn ‘Awwad : nous t’avons prêté allégeance et nous nous sommes engagés à t’écouter et à t’obéir sans nous ménager, dans le bien et dans l’adversité, dans la prospérité et dans les difficultés, et à instaurer la religion de Dieu, à combattre le jihad contre tes ennemis, et à ne pas contester l’autorité de ceux qui, parmi les tiens, détiennent l’autorité, à moins qu’ils ne commettent des impiétés évidentes et dont Dieu nous montre les preuves. Continue ce que tu es en train de faire, n’adule pas les mécréants et les apostats, ne te vante pas du succès que Dieu t’a concédé, et tu ne devras pas craindre Ses embuches. Crains Dieu en ton âme, en tes sujets et en tes troupes, et rappelle-toi que la victoire que Dieu concède à ses serviteurs dépend de la mesure avec laquelle ses serviteurs œuvrent pour Lui et pour sa religion. Si nous agissons autrement, nous ne pouvons espérer que Dieu nous aide. Rappelle-toi ce qu’a dit le Très-Haut : « Lorsque ces gens eurent oublié ce qui leur avait été rappelé, nous leur avons ouvert les portes de toute chose ; mais après qu’ils eurent joui des biens qui leur avaient été accordés, nous les avons emportés brusquement et ils se trouvèrent désespérés. Tout ce qui restait de ce peuple injuste fut alors retranché. Louange à Dieu, le Maitre des mondes ! » (Cor 6, 44-45).
« Vous vous souviendrez de ce que je vous dis : je confie mon sort à Dieu. Dieu voit parfaitement ses serviteurs ! » (Cor. 40,44).
Extrait de
Al-Masry al-Yowm, 1 décembre 2014, traduction Oasis