En une heureuse synthèse, un penseur indien raconte la genèse du droit musulman, et comment se sont formées les différentes écoles juridiques. Enseignant ainsi que, dans certaines limites, la diversité d’opinions n’est pas une malédiction, mais une nécessité
Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:56:51
Les causes des divergences entre les Compagnons et les Successeurs touchant les branches de la Loi
Au temps de l’Envoyé de Dieu, le droit (fiqh) n’était pas écrit. En ces jours-là, les normes n’étaient pas déduites, comme le font aujourd’hui les juristes quand ils éclairent, au mieux de leurs capacités, les préceptes fondamentaux, les conditions et les coutumes (chacun d’entre eux étant distingué des autres sur la base de preuves légales), se prononçant aussi sur des cas de figure imaginaires et procédant dans la mesure du possible à travers définitions et restrictions.
En ce temps-là, l’Envoyé de Dieu faisait les ablutions et les Compagnons le voyaient et l’imitaient, sans que celui-ci ait clarifié ce qui, dans son agir, était un précepte fondamental et ce qui était au contraire une simple coutume. Il priait, ils le voyaient prier et se conformaient à sa manière d’agir. Il faisait le pèlerinage, les gens observaient ses gestes et les imitaient. C’est ainsi que cela se passait dans la plupart des cas ; le Prophète n’expliquait pas si les piliers de l’ablution étaient six ou quatre, et n’imaginait pas la possibilité que quelqu’un puisse s’interrompre au milieu de l’ablution pour pouvoir se prononcer ensuite sur cette hypothèse, sauf quelques exceptions voulues par Dieu, et rarement les Compagnons lui faisaient des demandes de ce genre. Ibn ‘Abbâs[1] affirme à ce propos : « Je n’ai jamais vu personne de meilleur que les Compagnons de l’Envoyé de Dieu, et ceux-ci ne lui posèrent que treize questions avant qu’il ne leur fût enlevé : elles sont toutes dans le Coran. […] Ils ne l’interrogeaient que sur ce qui leur était utile ». Le fils de ‘Umar[2] enseignait de son côté: « Ne pose pas de questions sur des choses qui ne se sont pas produites, car j’ai entendu mon père maudire quiconque poserait des questions sur des cas hypothétiques ».
[…] Les gens demandaient des conseils à l’Envoyé de Dieu sur les problèmes de la vie, et lui les leur donnait, ils lui soumettaient les questions et lui les jugeait, il voyait les gens accomplir une bonne action et il l’approuvait, ou une mauvaise action et il la désapprouvait. Mais ses avis ou verdicts n’étaient pas toujours exprimés dans des réunions publiques. Aussi les deux cheikhs Abû Bakr[3] et ‘Umar, quand ils se trouvaient confrontés à une question qu’ils ne savaient comment traiter, demandaient aux gens si quelqu’un connaissait des hadîths à ce propos. Un jour, par exemple, Abû Bakr, devant attribuer sa part d’héritage à la grand-mère du défunt, déclara n’avoir rien entendu de la bouche du Prophète sur un tel cas. À la prière de midi, toutefois, il demanda à l’assistance si quelqu’un avait entendu quelque chose à ce sujet de la part de l’Envoyé de Dieu. Al-Mughîra Ibn Shu‘ba[4] répondit oui, qu’on lui donne un sixième de l’héritage. « Y a-t-il quelqu’un d’autre qui ait entendu la même chose ? » Muhammad Ibn Maslama s’avança pour confirmer, et Abû Bakr donna à la femme le sixième de l’héritage.
[…] Quand le Prophète termina ses jours sur terre, les Compagnons se trouvaient encore dans cette condition. Puis ils se dispersèrent dans différentes régions et chacun d’eux devint une source d’imitation pour une région déterminée. Devant les nombreux nouveaux cas et questions sur lesquels on leur demandait leur avis, chaque Compagnon faisait appel à sa mémoire et à la déduction. Et s’il ne trouvait ni dans sa mémoire ni par déduction aucun élément pour répondre, il s’efforçait de produire une interprétation selon son opinion personnelle, cherchant à définir le motif (‘illa) qui avait poussé l’Envoyé de Dieu à émettre un certain verdict, et à le généraliser chaque fois que cela lui était possible, faisant de son mieux pour se conformer à l’intention du Prophète. C’est ainsi que surgirent des divergences entre les Compagnons.
[...] Les Successeurs transmirent ce qui leur était le plus facile, ils mémorisèrent les hadîths de l’Envoyé de Dieu qu’ils purent écouter des Compagnons et leurs doctrines, et les étudièrent à fond. Ils rassemblèrent les traditions divergentes qu’ils possédaient et comparèrent les dits entre eux. Certains de ceux-ci, bien que transmis sur l’autorité des plus grands Compagnons, leur apparurent minoritaires, comme la tradition rapportée par ‘Umar et Ibn Mas‘ûd sur l’impossibilité de faire la grande ablution avec du sable, qui à leur yeux sembla moins crédible que les très nombreux hadîths en la matière transmis par ‘Ammâr, ‘Imrân Ibn Husayn et d’autres encore[5]. De cette manière, chaque Successeur se forma sa doctrine personnelle (madhhab) et dans chaque région apparut un imâm, comme Sa‘îd Ibn al-Musayyib et Sâlim Ibn ‘Abd Allâh Ibn ‘Umar à Médine, auxquels succédèrent, dans la même ville, al-Zuhrî, le juge Yahyâ Ibn Sa‘îd et Rabî‘a Ibn [Abî] ‘Abd al-Rahmân; ‘Atâ’ Ibn Abî Rabâh à la Mecque; Ibrâhîm al-Nakha‘î et al-Sha‘bî à Koufa; al-Hasan al-Basrî à Basra; Tâwûs Ibn Kaysân au Yémen et Makhûl en Syrie[6]. […]
Causes des divergences entre les écoles juridiques
Une fois révolue l’époque des Successeurs, le Très-Haut fit surgir une génération de sages, selon la promesse du Prophète : « Les justes des siècles futurs porteront ce savoir »[7]. Des maîtres qu’ils fréquentaient, ils apprirent comment faire la petite et la grande ablution, comment accomplir la prière et le pèlerinage, comment se comporter dans le mariage, dans les achats et ventes, et dans tous les cas les plus courants de la vie. Ils transmirent les hadîths du Prophète et écoutèrent les sentences émises par les juges des différentes régions et les avis juridiques (fatwâs) des experts, leur soumirent de nouvelles questions et avancèrent leur propre interprétation (ijtihâd). Puis, [à la mort des Successeurs], ils devinrent des références autorisées pour le peuple. Ils suivirent fidèlement le modèle de leurs maîtres, sans lésiner sur les efforts dans la recherche d’allusions ou d’implications contenues dans les textes. Ils furent juges et muftîs, transmetteurs et enseignants.
[…] Cette génération reçut l’inspiration de mettre par écrit ses propres doctrines. C’est ce que firent Mâlik et Muhammad Ibn ‘Abd al-Rahmân Ibn Abî Di’b à Médine, Ibn Jurayh et Ibn ‘Uyayna à la Mecque, Sufyân al-Thawrî à Koufa et al-Rabî‘ Ibn Sabīh à Basra[8].
Quand [le calife abbasside] al-Mansûr[9] fit le pèlerinage, il dit à Mâlik qu’il avait décidé de faire copier les livres que celui-ci avait composés et d’en envoyer une copie à chaque métropole des musulmans, afin que ceux-ci se conforment à leur contenu, sans aller chercher ailleurs. Mais Mâlik répondit : «Commandeur des croyants, n’en fais rien ! Car les gens ont déjà mémorisé de nombreux dits, ils ont écouté des hadîths et transmis des récits. Chaque groupe a appris ce qui lui était parvenu et l’a adopté. Laisse les gens continuer à se comporter selon ce que chaque région a choisi pour elle-même! »
Dans une autre version de l’anecdote, rapportée par al-Suyûtî[10], c’est [le calife] Hârûn al-Rashîd[11] qui parle et qui consulte Mâlik sur l’opportunité d’accrocher le Muwatta’ sur les parois de la Ka‘ba et de le prendre comme référence pour tous les musulmans. La réponse de Mâlik est la même :
« N’en fais rien ! Les Compagnons de l’Envoyé de Dieu ont connu des divergences quant aux branches du droit, et se sont dispersés dans les différents pays. Laisse les gens continuer à se régler selon ce que chaque région a décidé pour elle-même ». « Tu as vraiment raison, Mâlik – répondit le calife – que Dieu t’accorde le succès ! »
[Les fondateurs des trois premières écoles juridiques : Mâlik]
Mâlik était le plus ferré dans les hadîths rapportés par les gens de Médine sur le compte de l’Envoyé de Dieu, et le plus fiable dans les chaînes des transmetteurs. Il connaissait mieux que quiconque les verdicts émis par ‘Umar ainsi que les dits du fils de ‘Umar, de ‘Â’isha[12] et des Sept Juristes[13]. C’est sur eux qu’il édifia la science des traditions et celle des fatwâs et quand on lui confia l’autorité, il transmit des hadîths, émit des fatwâs, enseigna et fit du bien. C’est à lui que s’applique le dit du Prophète : «Bientôt les gens en arriveront à taper sur le dos des chameaux en quête du savoir, mais ils ne trouveront personne de plus expert que le Docte de Médine », selon ce que rapportent Ibn ‘Uyayna et ‘Abd al-Razzâq al-San‘ânî[14], pour ne citer que deux noms. Ses compagnons recueillirent les traditions qu’il avait transmises et ses sélections de hadîths, les résumèrent, les éditèrent, et les commentèrent, ils en tirèrent des normes, se prononcèrent sur leurs racines et preuves et se dispersèrent vers le Maghreb et dans toutes les régions de la terre. Dieu bénit un grand nombre de créatures par leur enseignement, et si tu veux vérifier ce que nous affirmons sur l’origine de cette école juridique, qu’il te suffise de lire le Muwatta’ : tu verras que les choses sont exactement comme nous le disons.
[Abû Hanîfa]
Abû Hanîfa[15] était le plus lié de tous à l’école de Ibrâhîm al-Nakha‘î et de ses associés, à part de très rares exceptions voulues par Dieu, et il était très habile à formuler des déductions selon son école, extrêmement subtil dans ses raisonnements et capable d’analyser une question sous tous les angles possibles. Si tu veux t’en rendre compte, résume les dits de Ibrâhîm al-Nakha‘î tels qu’ils sont rapportés dans le Kitâb al-Âthâr de al-Shaybânî[16], dans le Jâmi‘ de al-San‘ânî et dans le Musannaf de Ibn Abî Shayba[17], puis confronte-les avec la doctrine de Abû Hanîfa: tu verras qu’il ne s’en éloigne que dans de rares cas, et que même dans ces rares cas, il reste dans le cadre des opinions soutenues par les juristes de Koufa.
Le plus célèbre des compagnons de Abû Hanîfa fut Abû Yûsuf[18], qui fut juge suprême du temps de Hârûn al-Rashîd. Ce fut lui qui répandit la doctrine hanafite en Irak, au Khorasan et en Transoxiane. Mais le meilleur, du point de la classification des hadîths et de l’étude, fut al-Shaybânî : on raconte de lui qu’après s’être formé sous la direction de Abû Hanîfa et de Abû Yûsuf, il se rendit à Médine où il apprit le Muwatta’ de Mâlik. Puis, après avoir fait retour dans son pays, il confronta la doctrine de ses maîtres avec celle du Muwatta’ point par point. S’il y avait concordance, il s’y tenait. Dans le cas contraire, s’il voyait un groupe de Compagnons et Successeurs suivre la doctrine de ses maîtres, il l’adoptait de toute façon. Mais s’il trouvait une analogie faible, ou une déduction discutable contredite par un hadîth authentique appliqué par les juristes, ou démentie par la pratique de la plupart des oulémas, il laissait tomber la doctrine hanafite pour embrasser celle parmi les positions des ancêtres qui lui semblait la plus probable.
Tant Abû Yûsuf que al-Shaybânî restèrent le plus possible dans le sillage de Ibrâhîm al-Nakha‘î, comme du reste l’avait fait Abû Hanîfa. […] C’est précisément pour cette raison que Abû Hanîfa est considéré comme formant une seule école avec Abû Yûsuf et al-Shaybânî, bien que ceux-ci aient été eux aussi des interprètes absolus (mujtahid mutlaq) et malgré les nombreuses différences qui les séparent de Abû Hanîfa quant aux racines et aux branches du droit. Tous en effet se retrouvent unis dans leur origine commune ; en outre, leurs doctrines sont rapportées ensemble dans le Mabsût et le Jâmi‘ al-kabîr.
[Al-Shâfi‘î]
Quand les écoles juridiques malikite et hanafite avaient déjà pris forme et que l’on procédait à la mise en ordre de leurs doctrines selon les racines et les branches, arriva al-Shâfi‘î[19]. Celui-ci, considérant l’œuvre de ses prédécesseurs, y trouva de nombreux défauts qui l’empêchèrent d’y adhérer, comme il devait l’expliquer dans l’introduction à son Kitâb al-Umm. […] Parmi les erreurs indiquées par al-Shâfi‘î, il y a par exemple le fait que certains hadîths authentiques n’étaient pas connus des Successeurs chargés de fournir des avis juridiques. Ceux-ci, par conséquence, s’étaient prononcés selon leur opinion ou selon la considération générale de ce qui est juste, ou bien ils avaient suivi l’exemple de quelque Compagnon. Quand, à la troisième génération, les hadîths relatifs à ces questions firent leur apparition, les juristes ne voulurent pas les appliquer, dans l’idée qu’ils étaient en contradiction avec la coutume de leur ville et avec sa tradition incontestée, et que cela justifiait le refus du hadîth ou le rendait pour le moins suspect. Le hadîth pouvait aussi bien surgir après la troisième génération, lorsque les traditionnistes se consacrèrent avec acharnement à recueillir toutes les voies de transmission, voyageant partout à la recherche de la totalité du savoir [religieux]. En effet, beaucoup de hadîths rapportés par les Compagnons ont été transmis par un seul homme, ou deux, qui à leur tour les ont transmis à un seul homme ou deux, et ainsi de suite, de sorte qu’ils échappèrent aux experts de droit jusqu’au moment où ils réapparurent à l’époque des grands traditionnistes qui recueillirent toutes les voies de la transmission du savoir religieux. Par exemple, beaucoup de hadîths furent transmis par les gens de Basra ou d’une autre ville à l’insu les uns des autres.
Al-Shâfi‘î expliqua que les Compagnons et les Successeurs demandaient toujours si quelqu’un connaissait des traditions touchant les questions qui leur étaient soumises. S’ils n’en trouvaient pas, ils se servaient d’une autre manière d’argumenter, mais si, dans un second temps, on trouvait un hadîth, ils abandonnaient leur effort d’interprétation pour privilégier le hadîth. Par conséquent – concluait al-Shâfi‘î – le fait que ces Compagnons ou Successeurs n’aient pas appliqué un hadîth ne constitue pas une preuve de sa fausseté, à moins qu’ils n’aient exprimé de manière explicite le motif de leur refus ! […] Bref, al-Shâfi‘î, voyant ces défauts dans l’œuvre de ses prédécesseurs, reprit en main le droit de fond en comble: il donna un fondement solide aux racines, distingua opportunément les branches, composa des livres, fit du bien et enseigna. Les juristes se rassemblèrent autour de son œuvre, ils la résumèrent et la commentèrent, ils en tirèrent des arguments et des déductions. Puis ils se dispersèrent dans les différents pays, et c’est ainsi que naquit l’école shafiite.
Causes des divergences entre partisans de la tradition et partisans du raisonnement
Il y avait, parmi les oulémas de l’époque de Sa‘îd Ibn al-Musayyib, de Ibrâhîm al-Nakhâ‘î et de al-Zuhrî, comme également parmi ceux de l’époque de Mâlik et de Sufyân al-Thawrî et des générations successives, un groupe de savants qui abhorraient le raisonnement (ra’y) et qui se gardaient de fournir des réponses légales ou d’avancer des déductions, sauf en cas de nécessité extrême. Leur but le plus grand était au contraire de transmettre correctement les hadîths de l’Envoyé de Dieu.
[…] Quand l’habitude se répandit dans les pays islamiques de mettre par écrit les hadîths et les dits des Compagnons, et que l’on commença à produire des textes et des notes, presque tous les traditionnistes participèrent à ce mouvement, en premier lieu pour leurs propres nécessités. Leurs plus grands représentants se mirent ainsi à parcourir en long et en large le Hedjaz, la Syrie, l’Irak, l’Égypte, le Yémen, et le Khorasan, recueillant les livres et poursuivant les notes écrites, à la chasse de hadîths rares et de dits peu connus. Grâce à leur passion, on parvint à réunir une quantité de hadîths et de dits jamais recueillis auparavant. Ils purent ainsi puiser dans les traditions avec une facilité ignorée auparavant, parvenant à réunir plus de cent voies de transmission pour une seule tradition, qui souvent se complétaient mutuellement. Ils réussirent à cerner la diffusion de chaque hadîth, perfectionnèrent l’étude des traditions parallèles et convergentes, et découvrirent de nombreux hadîths authentiques qui avaient été ignorés jusque-là par les juristes chargés de fournir des avis légaux.
[…] Les traditionnistes de cette génération transmettaient près de 40 000 hadîths, mais on dit de al-Bukhârî[20] que pour composer son Sahîh il passa en revue 600 000 hadîths, tandis que Abû Dâwûd[21], pour ses Sunan, en aurait examiné 500 000. Ahmad Ibn Hanbal[22], de son coté, conçut le projet du Musnad comme un instrument pour déterminer avec précision les traditions prophétiques : ce qu’on y trouvait, même à travers une seule voie de transmission, serait fondé ; ce qui en était absent, en revanche, serait sans fondement.
[…] Puis le Très-Haut fit surgir une nouvelle génération. Ceux-ci, voyant que leurs maîtres avaient déjà assumé la tâche de recueillir les hadîths et mettre en ordre le droit, leur épargnant ainsi la fatigue de le faire eux-mêmes, prirent sur eux d’autres responsabilités, comme par exemple cataloguer les hadîths authentiques admis par tous les grands traditionnistes tels Yazîd Ibn Hârûn, Yahyâ Ibn Sa‘îd al-Qattân, Ahmad Ibn Hanbal, Ishâq[23] et leurs semblables, ou bien recueillir [en des compilations spécifiques] les hadîths juridiques utilisés par les juristes des métropoles et par les oulémas des différents pays pour construire leurs propres écoles, ou encore examiner la valeur précise de chaque hadîth, y compris ceux qui étaient anormaux ou isolés et non transmis par leurs maîtres, ou les voies de transmission non déclarées par les premiers traditionnistes et contenant une chaîne ininterrompue ou meilleure, ou une transmission de juriste à juriste ou d’expert coranique à expert coranique, ou d’autres recherches scientifiques de ce genre. Ces savants, ce sont al-Bukhârî, Muslim, Abû Dâwûd, ‘Abd Ibn Humayd, al-Dârimî, Ibn Mâja, Abû Ya‘lâ, al-Tirmîdhî, al-Nasâ’î, al-Dâraqutnî, al-Hâkim, al-Bayhaqî, al-Khatîb, al-Daylamî, Ibn ‘Abd al-Barr et d’autres encore[24]. Les plus profonds, les plus utiles et célèbres sont à mon avis quatre savants qui vécurent à peu près à la même époque, c’est-à-dire al-Bukhârî, Muslim, Abû Dâwûd et al-Tirmîdhî[25].
Abû ‘Abd Allâh al-Bukhârî se donna pour objectif d’isoler les hadîths authentiques, largement répandus et garantis par une chaîne ininterrompue, et d’en déduire le droit, la vie du Prophète et l’exégèse coranique. Son « Recueil authentique » (al-Jâmi‘ al-sahîh) atteignit le but visé. On nous a raconté à ce propos qu’un jour, un homme pieux vit l’Envoyé de Dieu en rêve. « Que fais-tu ? – lui demanda le Prophète. Tu t’es mis à étudier al-Shâfi‘î et tu as laissé tomber mon livre ? » « Quel est ton livre, Ô Envoyé de Dieu ? » « C’est le Sahîh de al-Bukhârî ». On ne peut en vérité imaginer d’auteur plus fameux et plus universellement reconnu.
[Les partisans du raisonnement]
Mais il y eut aussi, du temps de Mâlik et de Sufyân al-Thawrî et aux époques successives, outre ces experts en traditions, d’autres savants qui ne détestaient pas l’idée de se prononcer sur les questions de droit et ne se refusaient pas à fournir des réponses légales, car ils étaient convaincus que la jurisprudence était le fondement de la religion et devait atteindre la plus grande diffusion possible. Ils se gardaient bien par contre de transmettre les traditions de l’Envoyé de Dieu et de les lui attribuer, au point que al-Sha‘bî préférait les dits qui ne remontaient pas au Prophète, parce qu’un éventuel ajout ou manque n’aurait pas touché sa personne. De même Ibrâhîm al-Nakha‘î préférait aux traditions attribuées au Prophète celles de ‘Alqama[26] et de Ibn Mas‘ûd; ce dernier, quand il rapportait une tradition de l’Envoyé de Dieu, s’assombrissait et ajoutait [par scrupule religieux]: « Il a dit à peu près ainsi ». Quand ‘Umar envoya des Compagnons des différentes cités-garnisons à Koufa, il les mit en garde en ces termes :
« Vous, maintenant, allez à Koufa, où vous trouverez un peuple plein de ferveur. Ils viendront à vous et diront : “Les Compagnons de Muhammad sont arrivés, les Compagnons de Muhammad sont arrivés !" Ils vous demanderont de leur raconter des hadîths, mais vous, vous transmettrez le moins possible sur le compte de l’Envoyé de Dieu ! »
[…] Ces juristes ordonnèrent le droit sur la base de la dérivation (takhrîj). Celle-ci consiste avant tout en la mémorisation du livre qui expose de la manière la meilleure, la plus soignée et précise, la doctrine des maîtres de l’école. Ensuite, pour chaque question sur laquelle il doit se prononcer et pour chaque nécessité qu’il rencontre, le juriste prendra en considération les déclarations explicites des chefs d’école. S’il trouve la réponse, il s’y tiendra. Sinon, il prendra en considération l’ensemble du discours pour y adapter ce cas particulier, ou bien une indication implicite d’où déduire la norme. Car il pourra arriver qu’une proposition contienne des allusions ou des implications à partir desquelles on peut comprendre le sens voulu. Ou bien la question sur laquelle il doit se prononcer pourra être semblable à une autre et rapprochée de celle-ci. Ou bien encore le juriste peut arriver à définir, par le raisonnement et un examen attentif[27], le motif (‘illa) de la norme, et l’appliquer à un autre cas non prévu explicitement. Il peut disposer de deux propositions qui, reliées par un syllogisme catégorique ou conditionnel, sont aptes à produire la réponse désirée. Parfois dans le discours des maîtres on trouvera des cas cités en tant qu’exemples ou subdivisions, sans qu’ils explicitent la définition qui leur est commune et les identifie. Le juriste alors, s’adressant à des linguistes, devra définir l’élément spécifique et faire émerger la définition qui est commune et identifie les cas d’espèce, en éclairant les points obscurs et en distinguant les cas qui ne sont semblables qu’en apparence. Et encore, la proposition des maîtres peut se prêter à deux interprétations, et le juriste veillera à déterminer celle qui est la plus probable. Il peut se faire que les preuves pour résoudre la question soient cachées, et qu’il incombe au juriste de les expliciter. Ou encore celui-ci peut argumenter à partir du mode d’agir des maîtres ou de leur silence, et ainsi de suite.
Tout cela s’appelle dérivation (takhrîj). On dit aussi « L’énoncé dérivé d’un tel est ceci », ou bien « Selon l’école d’un tel, ou le fondement de tel autre, ou l’énoncé de tel autre encore, la réponse est ainsi et ainsi ». Ceux qui pratiquent ce genre de dérivation sont appelés « interprètes autorisés à l’intérieur d’une école » (mujtahid fî l-madhhab). C’est à ce type de ijtihâd que se réfèrent ceux qui affirment que quiconque apprend par cœur le Mabsût[28] est un interprète qualifié (mujtahid), même s’il ne sait rien de la science des traditions et ne connaît pas même un seul hadîth. Chaque école juridique fait un large usage de la dérivation. […]
[Réconciliation entre les deux positions]
En réalité, le takhrîj, aussi bien dans le sens de « dérivation » utilisé par les juristes que dans celui d’« examen critique du hadîth » propre aux traditionnistes, possède un fondement solide dans la religion. Les plus grands oulémas de tous les temps se sont toujours servis des deux. Il est vrai qu’il y a ceux qui sont plus ferrés dans la dérivation et moins dans la tradition, et ceux qui au contraire sont plus forts dans les hadîths et moins dans le raisonnement juridique, mais il est opportun de ne négliger complètement aucune des deux méthodes. Mais, hélas, c’est précisément cela que font normalement les représentants des deux partis. Ce qui est juste, c’est plutôt d’unir une méthode à l’autre et de remédier aux défauts de toutes deux. C’est en effet ce qu’enseignait al-Hasan al-Basrî :
« Au nom de Dieu, hors duquel il n’est pas d’autre Dieu, votre Sunna se situe entre l’excès et la froideur ».
Les gens du hadîth doivent soumettre les traditions qu’ils ont choisi d’adopter au jugement des interprètes qualifiés (mujtahid) parmi les Successeurs et parmi ceux qui sont venus après eux. Les gens de la dérivation doivent appuyer les traditions qui ne contredisent pas un hadîth explicite et doivent éviter de soutenir une opinion quand ils ont à leur disposition un hadîth ou un dit, si possible. […] Mais dans la pratique, j’ai trouvé que ces deux groupes, en dépit de leur proximité et du besoin absolu que chacun a de l’autre, sont comme des frères séparés, qui ne se soutiennent pas et ne coopèrent pas comme ils devraient le faire pour arriver à la vérité. Ainsi, les experts de traditions, dans la plupart des cas, ont l’obsession des chaînes et des voies de transmission et partent à la chasse des hadîths les plus insolites et anormaux, bien que ceux-ci soient en grande partie fabriqués de toute pièce ou altérés. Ils n’ont aucun souci du texte ni ne cherchent à en pénétrer la signification : ils n’arrivent pas à comprendre le sens intime des traditions [qu’ils apprennent] et ne sont pas capables d’en extraire les trésors qu’elles contiennent. Il leur arrive parfois d’accuser avec violence les juristes de transgresser la Sunna sans se rendre compte de leur propre incapacité à mettre à profit le savoir qu’ils ont reçu. Ils se rendent ainsi coupables de calomnie envers les juristes.
D’autre part, les experts en droit et en spéculation eux aussi n’ont généralement qu’un vernis des plus rudimentaires en fait de hadîths, au point d’avoir beaucoup de mal à distinguer les dits authentiques des faux, et les bonnes traditions des mauvaises. Ils n’ont aucun scrupule à se servir de n’importe quelle tradition contre leurs adversaires, pourvu que celle-ci donne raison à leur école et à leurs opinions. Ils ont ainsi pris l’habitude d’accepter les hadîths faibles ou tronqués, s’ils sont enseignés depuis longtemps dans leur école, tout en n’ayant aucune preuve ni certitude qu’ils soient vrais. Et ceci est une forme d’arbitraire et de fraude.
L’adhésion à une des quatre écoles [et leur acceptation réciproque]
[…] Parmi les Compagnons, les Successeurs et les générations qui vinrent ensuite, il y avait qui récitait la basmala[29] pendant la prière et qui ne la récitait pas, qui la proclamait à voix haute et qui la prononçait à voix basse, qui ajoutait une invocation (qunût) dans la prière de l’aube et qui ne l’ajoutait pas, qui faisait l’ablution après avoir subi une saignée, avoir perdu du sang du nez ou avoir vomi, et qui ne la faisait pas, qui faisait l’ablution pour avoir touché un homme ou une femme avec concupiscence et qui ne la faisait pas, qui faisait l’ablution après une brûlure et qui ne la faisait pas, qui faisait l’ablution pour avoir mangé de la viande de chameau et qui ne la faisait pas. Et malgré cela, chacun d’eux priait derrière les autres.
Et de même Abû Hanîfa et ses compagnons, al-Shâfi‘î et les autres, priaient derrière les imâms malikites de Médine ou d’autres, même s’ils ne récitaient pas la basmala ni à voix basse ni à voix haute. Une fois, [le calife Hârûn] al-Rashîd dirigea la prière tout de suite après une saignée, et Abû Yûsuf pria derrière lui sans faire d’objection parce que l’imâm Mâlik avait exprimé au calife l’avis que, dans un cas de ce genre, les ablutions n’étaient pas nécessaires. Étant donné que l’imâm Ahmad Ibn Hanbal était de l’avis que, après le sang sortant du nez et les saignées, il fallait faire les ablutions, un jour on lui demanda : « Si l’imâm qui dirige la prière a eu une perte de sang et n’a pas fait les ablutions, tu prierais quand même derrière lui ? » « Et comment pourrais-je ne pas prier – répondit-il – derrière l’imâm Mâlik et derrière Sa‘îd Ibn al-Musayyib ?!»
[…] Un jour, al-Shâfi‘î pria au matin près de la tombe de Abû Hanîfa et, par respect pour lui, n’ajouta aucune invocation en commentant : « Nous avons plus d’une fois été attirés par la manière de prier des gens de l’Irak ». Et nous avons déjà cité ce que Mâlik répondit à al-Mansûr ou à Hârûn al-Rashîd.
[1] Cousin de Muhammad, référence pour l’exégèse coranique et, de façon générale, pour les sciences religieuses.
[2] ‘Umar Ibn al-Khattâb fut le deuxième calife (r. 634-644). Son fils n’eut pas de rôle politique, mais se consacra à la transmission des traditions du Prophète.
[3] Premier calife (r. 632-634), il avait été l’un des tout premiers disciples de Muhammad à la Mecque.
[4] Autre compagnon célèbre, il fut gouverneur de l’Irak sous ‘Umar et ‘Uthmân et les premiers omeyyades. Le médinois Muhammad Ibn Maslama fut l’un des plus grands chefs militaires sous Muhammad et sous ses successeurs. L’épisode auquel l’auteur fait allusion est raconté dans le Muwatta’ de Mâlik (Kitâb al-farâ’id, bâb mîrâth al-jadda).
[5] L’un des tout premiers convertis à l’Islam, ‘Abd Allâh Ibn Mas‘ûd joua un rôle de premier plan dans la transmission du Coran. Selon Ibn Mas‘ûd et ‘Umar, l’ablution avec du sable n’éliminait pas l’impureté majeure. Toutefois les juristes embrassèrent l’opinion de ‘Ammâr Ibn Yâsir (l’un des héros de la Bataille de Badr) et de ‘Imrân Ibn Husayn, qui considéraient l’ablution sèche équivalente de celle normale, en absence d’eau.
[6] Plusieurs Successeurs éminents vécurent à Médine, dont Sa‘îd Ibn al-Musayyib (m. 715), l’un des « Sept Juristes de Médine », et Sâlim, neveu du calife ‘Umar, tandis que pour la génération successive, al-Zuhrî (m. 742) se distingua comme une figure-clé dans l’élaboration de l’Islam sous les omeyyades, en particulier en ce qui concerne la biographie du Prophète. Le champion du raisonnement individuel fut, en revanche, Rabî‘a Ibn Abî ‘Abd al-Rahmân; le traditionniste Yahyâ Ibn Sa‘îd al-Ansârî était lui aussi originaire de Médine. D’origine nubienne, ‘Atâ’ Ibn Abî Rabâh fut le juriste le plus éminent de la Mecque à l’époque des Successeurs. Al-Nakha‘î (m. vers il 717) et al-Sha‘bî (m. après 720) furent, eux, les deux principaux juristes de Koufa. Al-Sha‘bî est connu pour son aversion à la mise par écrit des hadîths, qui commençait alors à s’imposer. Al-Hasan al-Basrî (m. 728) fut l’un des plus grands théologiens et mystiques de l’époque omeyyade (cf. « Oasis » 26 [2017], 94-100). D’origine persane, Tâwûs Ibn Kaysân, actif au Yémen, fut disciple de Ibn ‘Abbâs, tandis que Makhûl al-Hudhalî ou al-Shâmî fut le plus grand traditionniste de l’époque des Successeurs en Syrie, et partisan du libre arbitre.
[7] Ce célèbre hadîth continue ainsi: « en repoussant les altérations des hyperboliques, les perversions des menteurs et les interprétations des ignorants ».
[8] Parmi ces juristes, le plus important, outre Mâlik, est Sufyân al-Thawrî (716-778), traditionniste et ascète irakien, fondateur d’une école juridique qui toutefois s’éteignit après lui. Sufyân Ibn ‘Uyayna est, lui, le savant mecquois le plus important de la troisième génération de musulmans.
[9] Deuxième calife de la dynastie abbasside et fondateur de Bagdad, il régna de 754 à 775.
[10] Célèbre polygraphe égyptien du XVe siècle (1445-1505), juriste, traditionniste, linguiste et expert en sciences coraniques. Cf. « Oasis » 23 (2016), 96-104.
[11] Cinquième calife abbasside (r. 786-809), la tradition arabe l’évoque comme le prototype du gouvernant juste et sage.
[12] Fille de Abû Bakr, ‘Â’isha fut l’épouse favorite du Prophète et joua un rôle politique majeur dans l’Islam des origines.
[13] Il s’agit de sept Successeurs particulièrement versés dans le droit, qui vécurent tous à Médine: ce sont Sa‘îd Ibn al-Musayyib, que nous avons déjà vu, ‘Urwa Ibn al-Zubayr, al-Qâsim Ibn Muhammad Ibn Abî Bakr, ‘Ubayd Allâh Ibn ‘Abd Allâh Ibn ‘Utba Ibn Mas‘ûd, Khârija Ibn Zayd Ibn Thâbit, Sulaymân Ibn Yasâr et Abû Salama Ibn ‘Abd al-Rahmân Ibn ‘Awf. Ils sont connus en arabe comme al-fuqahâ’ al-sab‘a.
[14] Al-San‘ânî, qui vécut, comme l’indique son nom, à Sanaa au Yémen, est l’auteur de l’un des plus anciens recueils de hadîths, connu sous le nom de Musannaf (c’est-à-dire « Traditions classées par sujet », par opposition à Musnad, « Traditions classées par transmetteur »).
[15] Abû Hanîfa (m. 767) est le fondateur de l’école hanafite, qui est aujourd’hui la plus répandue parmi les musulmans sunnites. Son enseignement juridique ne nous est connu que par ses disciples, dont en particulier Abû Yûsuf et al-Shaybânî.
[16] Muhammad al-Shaybânî (750-805 environ) fut disciple de Abû Hanîfa, mais étudia aussi avec Mâlik et fut l’un des maîtres de al-Shâfi‘î. Parmi ses œuvres on signale notamment le Mabsût (ou Asl) et le Jâmi‘ al-kabîr.
[17] Autre traditionniste de poids, Ibn Abî Shayba, qui vécut à Koufa entre 775 et 849, est l’auteur d’une autre des premières compilations de traditions, connue elle aussi sous le titre de Musannaf.
[18] Abû Yûsuf, mort à Bagdad en 798, diffusa les doctrines de son maître Abû Hanîfa par ses propres écrits et surtout à travers sa fonction officielle de juge suprême de l’empire.
[19] Muhammad Ibn Idrîs al-Shâfi‘î (767-820) est le fondateur de la troisième école juridique du sunnisme. Disciple de al-Shaybânî et grand artisan de la systématisation du droit islamique, il eut un rôle déterminant dans l’adoption du hadîth comme source première de la Loi. Parmi ses œuvres figurent la Risâla (sur la méthodologie du droit) et le Kitâb al-Umm (sur les cas concrets).
[20] Auteur de l’un des deux Sahîh (« Recueil authentique »), al-Bukhârî, mort en 870 à Boukhara, dans l’Ouzbékistan actuel, est considéré comme l’autorité la plus fiable en matière de hadîths. Son nom est souvent associé à celui de Muslim, mort à Nichapour en Perse en 870, et auteur de l’autre Sahîh.
[21] Abû Dawûd al-Sijistânî, mort en 888, est un autre traditionniste renommé. Ses Sunan (« Traditions ») font partie de ce que l’on appelle les Six Livres du hadîth sunnite, avec les deux Sahîh de al-Bukhârî et de Muslim, et les recueils de Ibn Mâja (m. 886), al-Tirmîdhî (m. 898) et al-Nasâ’î (m. 915).
[22] Grand expert de traditions, Ahmad Ibn Hanbal (780-855) est connu pour sa défense inflexible de la nature incréée du Coran. Walî Allâh le considère essentiellement comme un grand expert du hadîth. Ce furent en effet ses disciples qui systématisèrent ses opinions juridiques, donnant naissance, après sa mort, à la quatrième école juridique de l’Islam sunnite, le hanbalisme.
[23] À part le nom déjà cité de Ahmad Ibn Hanbal, parmi les traditionnistes de cette génération on conserve quelques œuvres de Ishâq Ibn Râhwayh (m. 853), qui fut le maître de Muslim.
[24] Il s’agit des grands noms de la science du hadîth. Outre les compilateurs des Six Livres, il faut mentionner au moins al-Dârimî (m. 869), al-Dâraqutnî (m. 955), al-Hâkim al-Naysâbûrî (m. 1014), al-Bayhaqî (m. 1066) et al-Khatîb al-Baghdâdî (m. 1071). En raison de l’affinement constant de la méthode, ces œuvres ne sont pas moins importantes pour le droit islamique que celles des premières générations.
[25] L’auteur fournit à ce point un portrait de chacun des quatre traditionnistes. Nous ne traduisons que celui de al-Bukhârî. Il est évident que, pour Walî Allâh, Ibn Mâja et al-Nasâ’î ne se situent pas au même niveau d’autorité que les quatre autres maîtres.
[26] Disciple de Ibn Mas‘ûd, ‘Alqama Ibn Qays al-Nakha‘ î appartenait à la génération des Successeurs, et fut parmi les fondateurs de l’« école » de Koufa. Il est particulièrement apprécié par Abû Hanîfa.
[27] Je corrige le texte de hadhf en hadhq selon le sens.
[28] Il pourrait s’agir aussi bien du Mabsût de al-Shaybânî que de l’ouvrage homonyme du juriste Abû Bakr al-Sarakhsî (XIe siècle), tous deux textes fondateurs de l’école hanafite.
[29] Il s’agit de la formule « Au nom de Dieu Clément Miséricordieux », courante parmi les musulmans.
Pour citer cet article
Référence papier:
Textes de Shāh Walī Allāh al-Dihlawī, « Quand la divergence est une bénédiction », Oasis, année XIV, n. 27, juillet 2018, pp. 100-111.
Référence électronique:
Textes de Shāh Walī Allāh al-Dihlawī, « Quand la divergence est une bénédiction », Oasis [En ligne], mis en ligne le 25 octobre 2018, URL: https://www.oasiscenter.eu/fr/sunnisme-quand-divergence-est-benediction.